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  • Réac, atrabilaire, mais non sans expérience le justifiant. Sens de l'humour permanent, mais hélas sens de la réalité qui s'échappe de jour en jour. Par contre, même houleux, j'aime bien les échanges de point de vue. Et sur tous les sujets.
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6 août 2008 3 06 /08 /août /2008 11:50







(Notre-Dame de Paris ; inachevée) Jean-Luc
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23 mai 2008 5 23 /05 /mai /2008 19:42

Bernard de Ventadour


De son temps nommé Bernard de Ventadorn, ce chanteur fut probablement l’un des plus célèbres poètes ; en tous cas, le troubadour le plus connu de nos jours – musicien était-il également reconnu.
Le doit-il à ses hautes fréquentations, comme celle de la cour d’Angleterre, par exemple ?
Très certainement, puisque attaché directement à la reine, Aliénor d’Aquitaine : la plus grande dame de ce XII è siècle !
Cette félicité notoire ne fut pourtant pas celle de ses origines, à en lire la plupart des sources.
Nombre de celles-ci s’accordent que, né vers 1125, il serait le fils du « fournier » - entendons le boulanger – du  
château de Ventadour ; d’où son nom.
D’après une biographie provençale, celui d’un serf et d’une boulangère liée au même château, sis en Limousin. Et, plus socialement en dessous, qu’il n’aurait été qu’un serviteur de cette boulangerie.
Uc de Saint-Circ rejoint sa filiation d’avec une boulangère, mais lui attribut un père militaire, tout comme l’affirme également Peire d’Alverne, un autre troubadour.
Opposées à tous ces lignages dits modestes, d’autres hypothèses moins crédibles apparenteront Bernard directement aux seigneurs de Ventadour, et, plus précisément, à l’abbé de Saint-Martin de Tulle, lui-même issu de cette noble famille.
Quoiqu’il en soit, ce fut le vicomte du lieu, Ebles II, dit le chanteur (Eblon lo cantor) qui enseigna l’art lyrique au futur poète (chansons, vers et tensons).
Toujours, la vida de Bernard, écrit d’Uc de Saint-Circ, nous informe que le futur successeur du vicomte, Ebles III, portera d’énormes soupçons quant aux écarts de fidélité de son épouse envers le jeune troubadour supposé éprit de la dame ; Marguerite de Turenne, pour la citer.
Cette dernière sera enfermée quelques temps avant d’être répudiée. Notre jeune Bernard, lui, fut tout simplement mit à la porte du château.
Ensuite, ayant erré en quelques cours – notamment celle de Montluçon -, il rejoignit celle d’Aquitaine, et suivit outre-Manche l’ex reine de France, Aliénor, au-delà de son second mariage avec Henri II Plantagenêt. C’est de cette période que
l'oeuvre  du poète fut la plus abondante, et, si ses premières chansons d’amour l’avait conduit à l’exile de Ventadour, les suivantes, adressées à la reine pour la plupart, ne se tarirent pas d’audace autant que de sentiments exactes.
Maintenant, notons ici qu’une grande part des dames qu’il
évoque  - par amour, bien entendu -, restent presque toutes anonymes ; entendons qu’elles ne sont point nommées dans le texte ;  qu’elles ne sont représentées que par un senhal : un pseudonyme inventé, et parfois représentatif de la personne, surtout dans l’âme de l’auteur.
Citons La dame du Vianais, ou encore Bel Vezer !
De retour en pays de langue d’oc, Bernard fut attaché à la noble Ermengarde, vicomtesse de Narbonne, puis à Raymond V de Toulouse.
Après la mort de celui-ci, en 1194, le poète se retira moine en l’abbaye cistercienne de Dalon, où il mourut peu après.

 C'est pour Aliénor d'Aquitaine qu'il composa le plus de chansons. Persuadé que "le chant qui ne vient pas du fond du coeur n'a pas de valeur". Il sut allier dans ses poèmes la virtuosité formelle à la sincérité du sentiment. Dans la quarantaine de "chansons" qui nous restent, il s'est montré avant tout le poète de l'amour ; sur des rythmes d'une subtile variété, il a livré de mélancoliques confidences sur sa passion pour la Dame de Ventadour ou pour Aliénor, et a su traduire, en de splendides images symboliques, les désirs ou les désillusions de tous les "faux amants".

 

Extraits : 

 

-  L'instant où j'aperçois mon amante, une subite frayeur me saisit ; mon oeil se trouble, mon visage se décolore, je tremble comme la feuille que le vent agite; je n'ai pas la raison d'un enfant, tant l'amour m'inquiète ! 

Ah ! celui qui est si tendrement soumis mérite que sa dame ait pour lui de la générosité.

 

- Il est vraiment mort celui qui ne sent pas dans son coeur la doulce saveur de l'amour. Que vaut la vie sans amour ?

Quelle est-elle sinon un ennemi pour les autres ? Puisse Dieu ne jamais me haïr au point que je vive jour ou mois après être tombé au rang de ces ennuyeux, privés de tout désir d'amour.

Bernard de ventadour
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22 février 2008 5 22 /02 /février /2008 17:28

Histoire de la littérature française.

 

 

  La vulgaire


De notre langue écrite et parlée, nos ancêtres les Gaulois nous ont laissé peu de mots - quelques 150 à 200.
À part
l'alouette et son bec, quelques autres syntaxes dont la nomenclature nous échappe, et quelques noms de villes ou de rivières, ces dialectes épars d’origine celtique ne peuvent s’assimiler, s’identifier, voire se retrouver de nos jours que par le Breton ou encore le gaëlique d’outre Manche.
Pour le reste de notre territoire hexagonal, avant d’autres diverses influences, le latin est le principal constituant de notre bien fournie langue française.
Voyons que cinq cents ans d’occupation romaine y ont particulièrement œuvré. À noter également que l’organisation de l’envahisseur, au préalable de la conquête des Gaules, avait déjà crée et institué nombre écoles culturelles autant à Marseille que sur l’ensemble de nos côtes méditerranéennes. Ici d’ailleurs, notre gaulois - ou ligure, pour rester plus exact -  avait adopté depuis longtemps l’écriture grecque. Au-delà, Jules César contribua à l’étendue du principe vers le nord que tout acte public ne trouvait sa réelle valeur que lorsqu’il se rédigeait en latin. Colonialisme oblige !...
Observons par la suite, qu’une hégémonie - quelconque soit-elle - ne peut durer qu’en usant et défendant le concret, le pragmatisme, car plus tard, lors des grandes invasions dites germaniques, un monopole clérical bien ancré sur les lieux investis par la force, eut à son tour le pouvoir de gérer et d’unir au mieux les parties civilisées de notre pays ; et toujours par la culture, bien entendu. Un héritage romain que je m’efforcerais de constamment mettre en exergue, puisque il demeure la base incontestable de notre bien souvent merveilleuse littérature.
Chez nous, la biforme installation du latin certes l’éroda, mais elle oeuvra aussi à l’émergence de ce parler (nouvel écrit) que l’on nomma le roman en période carolingienne.
Histoire de prononciation, le latin administratif, pour ne pas dire le latin lettré, se voyait complètement défiguré au sein des ruralités  n’ayant pas la maîtrise de la plume.
Certes encore, la soldatesque véhiculait le parler de Cicéron - déformé la plupart du temps -, mais nombre provinces y ajoutèrent, de leurs échanges commerciaux autant que de leurs gutturales ancestralités, une variante déformant peu à peu, au-delà des principaux fleuves, la compréhension idéale de ce langage constitutionnel.

Là où le sénat employait le mot « caput » pour évoquer la tête, le légionnaire inculte  disait « testa » pour parler d’une bouillotte.
Et, c’est en ce sens qu’il fut biforme notre langage. À savoir, que selon  l’endroit même d’où fut émis l’écrit, les abrégés locaux s’installèrent en formes académiques. Toutes désinences casuelles se virent ainsi déformées ainsi que l’auxiliaire intervenir en outrageant prédominant de la dialectique en vigueur. Aussi, l’usage des temps employés se diversifia. Voyons ici le paysan gaulois ainsi que le paysan toscan s’exprimer  selon son mauvais heurt dans la parlure d’aujourd’hui, pour dire : « j’en ai ras le bol », « e quella cagna del vita », par exemple (bien avant Jésus-Christ, il y avait déjà deux latins : celui des palais et celui parlé dans les faubourgs de Rome).
Le populaire eut donc le dessus sur l’intellectuel, et même jusqu’en Gaule Belgique. Voyons les grandes classes de la société apprendre une « rhétorique » perçue déjà obsolète par la rue. Egalement, observez la prime nécessité de s’entendre entre colons et soumis : de part et d’autre l’harmonie ne pouvait aboutir que par un effort venant du dominant. Ça, c’est pour ce qui est de l’adaptation du milieu ; pour la suite, les grammairiens ont dû s’y fortement adapter au-delà des invasions barbares : au-delà de l’hégémonie romaine donc.
Ils s’y sont adaptés certes, mais non en occultant le dialogue de l’Eglise qui perdurait ses écrits dans le sens de l’unification des peuples par le dogme inscrit. Nous lui devons au moins cela, à notre Eglise !

Quoiqu’il en fut, la fatalité transforma, à partir du Ve siècle de notre ère, le latin littéraire en latin populaire. Ce qui bien entendu engendra, au sein de nombre textes, la naissance progressive du roman. Langue dite « vulgaire » au Concile de Tours, en 813, et apparaissante pour la première fois dans l’écrit du Serment de Strasbourg, en 842. Depuis le baptême de Clovis et de ses antrustions, en 495, appréciez le chemin parcouru !
Et pourquoi avons nous tant de mots de consonance proche et signifiant parfois la même chose ?

C’est que ceux lisant et écrivant le latin, transforment la désinence à leur manière française, tandis que la population tend à abréger l’expression en lui cassant une syllabe ou deux. C’est ce que l’on nomme les doublets syntactiques. Ainsi, le latin fragilis donne frêle et fragile, gracilem donne grêle et gracile, follis, fol et fou.
Certains autres de ces doublets se sont par extension très éloignés de leur sens originel, comme par exemple l’étymon hospitalis devenu hôpital, mais aussi hôtel,  legalem, devenu légal, mais aussi loyal. Ce qui ne présente plus du tout la même notion, vous en conviendrez…
Notre histoire y est aussi pour quelque chose, bien entendu. Voyez qu’un avoué, tout comme l’avocat issu d’advocatus, n’est plus celui d’avant l’institution de la cour d’appel, et que le procédé, petite rondelle de cuir disposée à l’extrémité d’une queue de billard depuis le XIX e siècle, n’a rien à voir, elle, avec une procédure judiciaire.
Et la séparation des doublets n’épargne pas nos adjectifs et noms grecs, même encore de nos jours. Un icone graphique d’ordinateur n’a pas sa place chez les iconoclastes. Enfin, de tels exemples se comptent déjà par milliers et ne  manqueront pas de faire appel à d’autres.
Revenons sur notre progressive émancipation du latin.
Les invasions barbares eurent un rôle prédominant quant à la seconde étape ; entendez celle de muer, de notre côté, le gallo-romain en gallo-roman, dans le sens que Francs, Burgondes, Gépides, Wisigoths et Ostrogoths ne parlaient pas la même langue, et, bien que tous adoptèrent la « langue romane rustique » du lieu investi, celle-ci se fragmenta tout de même selon les nouveaux apports linguistiques de l’envahisseur. Plus tard, ces langues romanes influencées deviendront l’espagnol, l’italien, le français, etc…
Parfaitement distincts aujourd’hui, elles n’en conservent pas moins de nombreux éléments similaires, et c’est en cela qu’elles sont dites  « langues latines ».
De notre côté, Clovis, notre premier roi, parlait le francique : forme germanique qui ne disparut de la cour que lors de l’avènement d’Hugues Capet, en 987, mais qui toutefois apportera quelques centaines de mots à notre « français » pas encore constitué.
En cela, le germanique se qualifiera de superstrat au français !
Sans évoquer ni dresser la liste de ces mots franciques et germaniques qui vinrent s’ajouter à notre vocabulaire naissant, distinguons deux principaux idiomes séparant la Gaule transalpine en une partie septentrionale où se parle la langue d’oïl, et une partie méridionale où s’entend la langue d’oc jusqu’à La Rochelle, Angoulême, Limoges, Clermont, Lyon et Grenoble.

Oïl et oc sont ici les deux différentes façon de dire oui. Bien sûr, nombre dialectes locaux ne rejoignaient pas toujours cette coupure géographique théoriquement nette, mais maintes similitudes pourtant se trouvaient opposées aux abords des villes précitées. En partie méridionale, de ces dialectes, retenons le provençal, le gascon et l’occitan aux extrêmes sud, puis le limousin, l’auvergnat et le dauphinois dit aussi  vivaro-alpin, plus au nord.
Au-delà, ladite partie septentrionale se subdivisait en bourguignon, Franc-comtois, Lorrain, wallon, champenois, orléanais, picard, poitevin, angevin, normand, gallo, tourangeau, berrichon, saintongeais et dialecte d’île de France, nommé francien par les érudits du cas.
Nous l’avons vu plus haut, le breton restait à part, tout comme le franco- provençal, rencontré autour du Jura et du lac Léman. Quant à l’Alsace, pour l’heure, ce n’était pas encore la France.  
Ça, c’est une carte du pays linguistique que nous pourrions exposer en vigueur du début de la féodalité jusqu’au règne de Saint-Louis.
Au-delà, pour ce qui est de la partie nord, il semblerait que certaines notoires modifications se soient opérées.
Dans ce premier Moyen Age, malgré que les troubadours occitans, dit aussi languedociens, furent les plus prolifiques, tous les autres « patois » eurent leurs auteurs dans le courant du moyen âge.
Et, bien que l’on abandonna que très tardivement nos systématiques écrits latins, cette diversité romane devait se prolonger encore bien après l’ordonnance de Villers-Cotterêts, et même jusqu’à la querelle des anciens et des modernes, au XVIIè siècle. De prime intérêt politique, c’est - et vous le comprendrez aisément - le dialecte d’Ile de France qui s’imposa sur les autres quand il fut question d’état surpuissant.
La monarchie de l’époque ne pouvait pas ignorer ce détail contraire à l’unification nécessaire face à l’ennemi.

Et puis, il y a les taxes ; le dialogue, en ce sens, doit demeurer limpide et sans équivoque en toutes provinces.

Cela aussi vous le comprenez !
Nos chroniqueurs, nos érudits de l’évangile ainsi que nos théologiens, quant à eux, parfois fort opposés aux dogmes en vigueur, persistent à s’exprimer selon la règle de Rome, estimée pour encore longtemps indétrônable. Et pour cause ?..., elle aussi souhaitait unifier ses ouailles.
Passons alors sur les conflits, très souvent non anodins, opposant le dieu de l’Eglise à l’évolution grignoteuse, et venons-en à notre genèse « sémantique ». L’usage de la plume, disais-je plus haut, appartenait aux clercs, aux scolastiques, ne se combinait qu’au sein des abbayes, cloîtres et autres prieurés, et ce ne fut pas l’inventeur de l’école, le moine Albinus, ni son sponsor, l’empereur Charlemagne, qui en transformèrent la situation. Constat est que les échanges de la rue n’y avaient que faire. Disons que peu savait lire ; entendez ici, que lecture suivie d’écriture demeuraient matières secrètes. Certes, pas toujours liturgiques, mais secrètes ! Ailleurs, et je ne parlerai pas que de la rue mais aussi de l’intérieur des châteaux, là où quasi personne ne savait lire, obligation demeurait au narrateur concurrent de s’exprimer en langue comprise, puisque tout venante. Pourtant, les lettrés du temps d’Albinus s’efforcèrent de bien « encrer » le latin en notre culture ; bon nombre de classiques romains furent remis à la page, et mille mots de cette langue intellectuelle vinrent encore s’imposer dans le bilinguisme indispensable aux savants de l’époque.
Advinrent donc les glossaires précédés de leurs nécessités.
Il s’agissait-là d’opuscules faisant office de lexiques, pour ne pas dire de dictionnaires, à la parfaite compréhension du vrai latin de base.
Aussi – et non moins en marge -, coûte que coûte, notre sacro sainte liturgie devait bien entrer dans les crânes !
À ce sujet, apprécions que Rome fit un effort urgent à contre-courant : à partir de 813, elle fit obligation à tous prêtres séculiers d’officier en  « romane rustique ». Ce qui, somme toute, démocratisait quelque peu la connaissance divine. Au préalable, une ouaille sur cent occupant la nef comprenait le quart de ce qui avait été dit. On dira alors de cette date qu’elle fut celle du synode de « l’attextation du français », selon  l’expression de Bernard Cerquiglini. Disons que ce fut la naissance de notre écriture car, très vite derrière, arrivèrent ensuite les pédagogies textuelles.
Outre le glossaire de Cassel traduisant le tudesque en roman, dans le même but, nous trouvons celui de l’abbaye de Reichenau, s’attachant à faire correspondre ledit roman avec ledit latin, employé plus conventionnellement donc. Là, nous sommes sous le règne de Charlemagne ; celui d’Albinus selon comment nous concevons l’introduction intellectuelle en notre pays.
Ensuite, reparlons du fameux Serment de Strasbourg, reconnu comme le premier document marginal aux vues d’une culture romaine quasi millénaire. Marginal certes, mais parfaitement officiel.
Charles, dit le chauve, opposé aux prétentions de son demi-frère Lothaire, s’allie ce jour, et par serment de surcroît, avec son autre demi-frère, Louis le Germanique, pour, d’une part faire échouer par l’union lesdites prétentions, et, d’autre part, créer par la suite ce que nous  nommerons la France et l’Allemagne.
Ici, deux états qui naîtront peut-être justement par ce texte, du moins par les langages employés et écrits de ce texte. C’est-à-dire, tout ou presque tout sauf du latin pur…
Voyons notre futur roi Charles s’exprimer en tudesque, et l’autre, le germanique, jurer la même chose en roman.
 Les vocabulaires de cours et de rues sont couchés sur papier : une nouvelle culture tente à s’imposer !
Nous sommes en 842, ai-je dit plus haut, officiellement la nativité de notre Francie date de l’année suivante au traité de Verdun, mais, prématurément, notre réelle identité nationale se confirma davantage ce jour-là.
Maintenant, examinons ce qu’était donc cette langue romane à ce moment là, et lisons ce que jurait Louis.

« Pro Deo amur, et pro christian poblo et nostro commun salvament, d’ist di in avant, in quant Deus savir et podir me dunat, si salvarai eo cist meon fradre Karlo, et in adiudha et in cadhuna cosa, si cum om per dreit son fradra, salvar dift in o quid il mi altresi fazet, et ab Ludher nul plaid nunquam prindrai qui, meon voi, cist meon fradre Karle in damno sit.»

Traduction : « Pour l’amour de Dieu, et pour le commun salut du peuple chrétien et le nôtre, dorénavant, autant que Dieu m’en savoir et pouvoir, je défendrai mon frère Charles que voici, et par aide, et en chaque chose, ainsi qu’on doit, par devoir défendre son frère, à la condition qu’il me fasse de même ; et avec Lothaire je ne prendrai aucun arrangement qui, par ma volonté, soit au préjudice de mon frère Charles que voici. »

Reconnaissons que nous sommes ici encore bien loin de nos écrits d’aujourd’hui. Néanmoins la progression, certes assez lente, devra s’opérer malgré cela au cours des siècles suivants. Pour l’instant, observons que l’ensemble de toutes les expressions employées demeurent comme un intermédiaire entre le latin (classique ou vulgaire) et notre français actuel. À cet effet, remarquons amor, devenu amur avant amour, frater, devenu fradre avant frère ;  aussi populus, abrégé en poblo avant d’être le peuple.
Notez, que du serment de Strasbourg, il ne s’agit que d’un texte et non de littérature. Que nos mots harmonisent leur diction dans les siècles qui suivirent, ce fut une toute autre alchimie !
Par la suite donc, qu’ils soient d’auteurs connus, présumés ou totalement anonymes, une bonne majorité de nos textes d’oïl ou d’oc furent très souvent remaniés à différentes époques, et parfois certains uniques manuscrits parvenus jusqu’à nous présentent une lecture fort éloignée des originaux. Ceci s’expliquerait aisément de nombre causes, mais surtout du fait que le premier Moyen âge n’est guère lecteur. Auditeur l’est-il davantage !…
En ce sens, les monuments archéologiques sont nombreux : mystères, romans, gestes et cantilènes…
Par exemple, la geste se narre à un endroit et se propage à mille autres lieux où elle s’orne et se travestit souvent selon les diverses interprétations.
Retenons, qu’en dehors des chroniques et des mémoires, quasi toutes traditions littéraires demeurent incapables de trouver son original. Encore, de ce fait, rien ne peut déterminer une relation exacte d’avec une époque vraiment précise.
Alors, qu’elles soient épiques, lyriques ou satiriques, il conviendrait davantage à comparer ces architectures à celles des cathédrales s’érigeant en parallèle, où nous constatons une nef du XII e siècle, augmentée d’une abside du XIII, le tout s’élevant sur une bi-fondation des IX et X e siècles . Une construction gothique se mêlant à quelques parties romanes estimées viables.
Les générations reprennent les mêmes sujets, et les styles se regroupent pour se modifier, s’augmenter de prolixités ensuite à la génération suivante.
Là, aucun doute pour la Chanson de Roland, dite formée au XI siècle, qu’elle eut été rédigée antérieurement  en des termes plus génériques et dont certains fragments y demeurent.
De plus une avarie matérielle s’avèrent être aussi la cause de ces transformations. Je veux parler de l’usure des manuscrits, car les trouvères ou jongleurs – grands voyageurs par nécessité – furent plusieurs fois dans leur vie contraint de recopier leurs textes, voire ceux des autres, sur un support neuf, et ce fut parfois là que des modifications s’imposèrent en vertu du renouvellement, voire du rajeunissement.
 Et si nous reparlons de l’épopée de Roland, retrouvée en divers endroits en un texte tout autant divers, c’est que les « copistes » auxquels était commandée une version, additionnaient à leur guise nombreuses actualités, certes n’altérant pas l’œuvre, mais supplantant en formes l’initiale détenue. Pour tout ce qui fut historique ou didactique, une majorité de documents restait protégée en monastères et, par la suite, en universités, mais en ce qui concerne la geste, la chanson et surtout le fabliau de basse-cour, le respect de l’original s’accidentait considérablement d’un opuscule à un autre.
Peut-être ici, réside le génie français ? l’inventeur de la littérature, en quelque sorte !
Ici, ma pointe toute personnelle ajouterait, non sans animosité à l’égard de l’Académie, que la naissance de notre dominant français écrit doit tout aux mutations spontanées, plus qu’à la fixation des acquis.
Complétons à cela, et même au-delà du Moyen âge d’ailleurs, que les différentes classes sociales s’abreuvèrent de différentes littératures, et n’avaient d’oreilles que pour de différents styles. De ce fait, les œuvres furent, par endroit, remodelées selon les goûts.
À présent, revenons à nos monuments, et observons les cantilènes.
La plus ancienne, retrouvée près de Valenciennes en 1837, daterait du X e siècle (fin IX, selon d’autres sources). Il s’agit de la Cantilène de sainte Eulalie, épopée constituée de 29 vers assonancés, rythmiques et élaborés sur l’alternance de temps forts et de temps faibles, et comme beaucoup d’autres, soulignant d’une forme lyrique les faits héroïques d’un personnage national, comme aussi la plupart du temps.
Mais, commençons à parler de poème, puisqu’il s’agit d’une œuvre très certainement inspirée de pénible réalité. Lisons-là donc dans ses deux formes, l’antique et la compréhensible, ceci pour mieux assimiler ce qu’est le lyrisme, ce qu’il représente auprès de notre sensibilité , ce qu’il fut également en ces temps reculés, et  de ce qu’il pourrait  avoir de géniteur en nos esprits supposés assoiffés d’une réelle justice.

TRANSCRIPTION
Buona pulcella fut Eulalia.
Bel avret corps, bellezour anima.
Voldrent la veintre li Deo inimi,
Voldrent la faire diaule servir.
Elle no'nt eskoltet les mals conselliers
Qu'elle De o raneiet, chi maent sus en ciel,
Ne por or ned argent ne paramenz
Por manatce regiel ne preiement.
Niule cose non la pouret omque pleier
La polle sempre non amast lo Deo menestier.
E por o fut presentede Maximiien,
Chi rex eret a cels dis soure pagiens.
Il li enortet, dont lei nonque chielt,
Qued elle fuiet lo nom chrest iien.
Ell'ent adunet lo suon element:
Melz sostendreiet les empedementz
Qu'elle perdesse sa virginitét;
Por os furet morte a grand honestét.
Enz enl fou lo getterent com arde tost.
Elle colpes non avret, por o nos coist.
A czo nos voldret concreidre li rex pagiens.
Ad une spede li roveret tolir lo chieef.
La dommzelle celle kose non contredist:
Volt lo seule lazsier, si ruovet Krist.    
In figure de colomb volat a ciel.            
Tuit oram que por nos degnet preier
Qued auuisset de nos christus mercit             
Post la mort et a lui nos laist venir      
Par souue clementia.                           

TRADUCTION
Eulalie était une bonne jeune fille.
Elle avait le corps beau et l'âme plus belle
encore.
Les ennemis de Dieu voulurent la vaincre;
Ils voulurent lui faire servir le Diable.
Elle n'écoute pas les mauvais conseillers
qui lui demandent de renier Dieu qui demeure au ciel là-haut,
Ni pour de l'or, ni pour de l'argent, ni pour des bijoux
Ni par la menace ni par les prières du roi.
Rien ne put jamais la faire plier ni amener
La jeune fille à ne pas aimer toujours le service de Dieu.
Et pour cette raison elle fut présentée à Maximien
Qui était en ces temps-là le roi des païens.
Il lui ordonna, mais peu lui chaut,
De renoncer au titre de chrétienne.
Elle rassemble sa force.
Elle préfère subir la torture plutôt
Que de perdre sa virginité.
C'est pourquoi elle mourut avec un grand honneur.
Ils la jetèrent dans le feu pour qu'elle brûlât vite.
Elle n'avait pas commis de faute, aussi elle ne brûla point.
Le roi païen ne voulut pas accepter cela.
Avec une épée, il ordonna de lui couper la tête.
La jeune fille ne protesta pas contre cela.
Elle veut quitter le monde ; elle prie le Christ.
Sous la forme d’une colombe, elle s’envole au ciel.
Prions tous qu’elle daigne intercéder pour nous,
Afin que le Christ ait pitié de nous
Après la mort et nous laisse venir à lui
Par sa clémence.

Il ne saurait subsister peu de doute que cette transposition romane fut puisée d’une séquence latine d’église. Probablement celle de Saint-Amand, où l’abbé découvrit les reliques de la martyre, en l’an 878, et, bien que nous sommes dans un pays picard, beaucoup de controverses s’opposent encore quant au dialecte employé ici ; à savoir le picard ou le wallon dont Valenciennes est isoglosse.

En général, la cantilène prend sa source  au sein des armées, puis elle se propage de la bouche des aèdes, et entre davantage dans la narration en abandonnant parfois totalement  son lyrisme chanté.
Entendez qu’à l’origine, c’est une chanson !…
Ma foi, cette tradition ne fut pas que française ! Ulysse reste grec, et les germains conservaient depuis la nuit des temps la coutume de célébrer haut la voix les faits d’armes de leurs aïeux.
Coutume qui franchit le Rhin aisément au-delà de l’intervention musclée de Clovis, le plus illustre de nos mérovingiens.
Là, aucun doute que les cantilènes latino-vulgaires fusèrent de toutes parts.
Et, selon certains témoignages, l’épique en langue romane existait déjà sous le bon roi Dagobert, victorieux des saxons.
Plus tard, voyons ces épopées soumises à plus grave lorsqu’il fallut bouter les sarrasins de notre balbutiant royaume chrétien.
Avant le grand Charles, il y eut le Martel avec sa boucherie de Poitiers ; ici, le danger suscite la poésie, vous en conviendrez !
Comme pour Homère, la guerre de Troie engendra le texte ; comme pour notre triomphe sur l’envahisseur, la cantilène s’accentua.
À chacun son époque ! La nôtre, c’était surtout celle de l’Eglise, dont nous étions la fille aînée du reste. Politiquement indubitable qu’ensuite la fougue narrative se développe.
La renaissance de l’empire d’Occident ne fut pas des moindres évènements à en générer l’abondance, sans aucun doute. Encore que, dès lors, la romane  s’impose en mille lieux sur la latine, mais une forme satirique apparaîtra peu à peu quant à la souffrance des querelles de succession d’entre les moins héroïques enfants et petits-enfants du grand chef.
Déjà là, puis avec la féodalité naissante, viendront les poèmes évoquant les grands vassaux – surtout leurs rivalités -, et toujours de variés récits à la gloire des Carolingiens. Au-delà, le XI è siècle restera faible en œuvres épiques. Comprenons alors que la mémoire de l’illustre Charlemagne devenue obsolète à l’avènement des capétiens, ne passionnait plus aucun châtelain, par conséquent, n’inspirait plus aucun jongleur ou autre spécialiste du genre.

Il fallut attendre les premiers retours des croisades pour que l’épopée redevienne une mode.
Pour l’historien Joseph Bédier qui souligne la carence de textes originaux quant à la France carolingienne, il ajoute que la plupart des cantilènes demeurent en rapport à certaines légendes locales empruntes, très souvent, d’influences cléricales. Disons, que les gestes et chansons se muaient localement selon l’endroit parcouru du pèlerin. Ainsi, la chanson de Roland s’adapte aux différentes étapes de la route menant à Roncevaux, tandis que la Geste de Guillaume se rapporte à chacun des sanctuaires édifiés sur la route de Compostelle.
Enfin, M. Bédier souligne que la plupart de ces œuvres épiques restent contemporaines des croisades et non liées à des textes antérieurs.
Bien entendu, il s’appuie sur le manuscrit d’Oxford, daté de 1080 et nous ayant conservé Roland, mais nombre chroniqueurs attestent que lors de différentes batailles la chanson fut entonnée bien avant cette fin du XI e siècle. Idem pour le Pèlerinage de Charlemagne de 1060 qui ne serait pas le premier texte sur le sujet, mais seulement une trace de son passage dans le temps, une étape de son évolution. D’ailleurs, les siècles suivants le remanièrent encore. Aussi, pour le ménestrel itinérant, certes le sujet ne manquait pas de piquant, mais renouvelant ses escales aux identiques périodes de l’année, il devait y ajouter de nouveaux épisodes afin de ne pas lasser son auditoire. Ainsi furent créés les cycles entremêlant les gestes, apparentant les héros sans le moindre respect de vérité historique. Bref ! tout comme la Grèce antique avait brodé ses demi-dieux, la France se permettait à son tour d’entrer dans l’ère de l’imagination.
Jusqu’à la fin du XII e siècle, la geste, fournie du modèle de Roland dans le genre et par sa forme, est majoritairement colportée de la voix du barde : poète voyageant de château en château, accompagné de sa vielle et de ses manuscrits. Ces derniers sont composés en vers décasyllabes regroupés en laisses : tirade comprenant en moyenne quinze vers homophones et assonancés. Puis, à partir du siècle de Saint Louis, la récitation, peu à peu, fait place à la lecture. Le texte n’est plus l’exclusivité du jongleur et l’assonance disparaît au profit de la rime.
Peu à peu l’octosyllabe et l’alexandrin se mettront au service d’une rhétorique plus développée dans le sens de la féerie ou encore de l’intrigue amoureuse. L’arrivée des poésies allégoriques et des romans courtois y est pour quelque chose !
C’est encore les premiers pas de la littérature, car le soir du Moyen âge nous fournira la prose, tout juste avant l’imprimerie.  
Mais ce parcours paraissant limpide ne l’est aussi qu’en apparence car, en marge de notre dite évolution littéraire, se greffèrent maintes autres formes de pensées dont l’outil principal restait l’écriture. Reparlons de la liturgie, peut-être, de la philosophie probablement !...
Entendez-là, que toutes périodes obscures révèlent autant de contres courants logiques que de non moins incisives déstabilisations par le fond. Oserais-je évoquer ici les principaux détracteurs de l’ordre
établi ? …Non, je m’en abstiendrai pour ne pas compliquer cet exposé sur notre littérature, mais comprenez que, rédigées en latin, elles n’en demeuraient pas moins marginales, ces dites déstabilisations. Entendez aussi, qu’à mon humble avis, le latin maître - reconnaissons le vecteur -  ne fut pas pour tous un outil obsolète.
En parfaite symbiose avec notre proto-français, il conserva, dans tout notre Moyen âge, l’aptitude - pour ne pas dire la compétence universelle - de contrer, voire de contrecarrer ce fameux obscurantisme que j’évoquais plus haut.
Ceci fera l’objet d’un autre débat, si vous le permettez.
Pour l’heure, attachons-nous à la langue romane et à son évolution.
Nous trouverons, au-delà de sainte Eulalie, d’autres poèmes sur la passion religieuse, tel la
La vie de saint Léger
ou celle de
saint Alexis , qui furent probablement aussi des transpositions de textes latins.
La geste, issue de ces poèmes et cantilènes (légère par conséquent),  fut assurément le principal véhicule écrit de notre réel langage, c’est indiscutable !

 

Laurent Lafargeas





 

 


 

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18 janvier 2008 5 18 /01 /janvier /2008 18:41

Marc-Marie, marquis de Bombelles

Né à Bitche le 8 octobre 1744.

Décédé à Paris le 5 mars 1822.

 

 

conte-bombelles.jpg

Le marquis de Bombelles (Edouard Pingret)

Très jeune, il entra aux armées durant la guerre de sept ans, et devint commandant d'une compagnie des hussards de Berchiny (plus tard, il parviendra au grade de maréchal de camp avec la décoration de Saint-Louis).

Entamant une carrière diplomatique, il sera ambassadeur de France au Portugal en 1786, puis à Venise, enfin à Vienne en 1789. Mais, ayant refusé de prêter serment à l'assemblée constituante, cette dernière l'obligea à quitter ses fonctions l'année suivante. Ce qui n'altéra pas pour autant sa fidélité au roi, et dû gagner la Suisse en octobre 1792 (déjà, en août, le Moniteur l'avait signalé intriguant).

Ensuite, il s'installa à Ratisbonne, chez sa soeur Jeanne, marquise de Louvois. De là, il prendra son service dans l'armée de Condé.

En 1778, il avait épousé Marie Angélique de Mackau, dame d'honneur à Versailles et grande amie de Madame Elisabeth. Alors veuf en 1800, il entra dans l'état ecclésiastique et obtint du roi de Prusse un canonicat de Breslaw.

Il ne devait rentrer en France qu'au moment de la première restauration pour devenir aumônier de la duchesse de Berry, puis évêque d'Amiens, sacré en 1819.

Mort à Paris, son corps sera transféré en son épiscopat où il repose avec ses prédécesseurs.

Outre La France avant et après la révolution (écrit contre-révolutionnaire publié en 1795), il laissa une fille et deux fils dont Charles René de Bombelles, futur maître des cérémonies à la cour d'Autriche.

 

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18 janvier 2008 5 18 /01 /janvier /2008 17:55

Marot l’exilé

 

Si nous devons parler des auteurs ainsi que des poètes français ex lus, parlons de Clément Marot, tout comme d’autres appartenant à la grande ombre de notre histoire littéraire, mais qui en furent pourtant les étapes notoires de son évolution.

Issu de l’influence, voire de l’enseignement des les rhétoriqueurs (son père en était un), chronologiquement, Clément Marot arrive comme l’éminence succédant celle de François Villon.

Il naquit à Cahors, vers 1496 ; de ce fait de culture et de langue d’oc, et pour reparler de son géniteur, Jean Marot, lettré auprès d’Anne de Bretagne, puis à la cour du roi, notre adolescent dut s’enrichir très tôt de l’écrit d’oïl.

Vers 1512, il rencontre une éminence en rhétorique, le poète Jean Lemaire de Belges - certainement son initiateur à la poésie -, et ce fut durant ses orléanaises études de droit qu’il fit la connaissance de son plus grand ami, Lyon Jamet.

Etudiant, notre jeune homme n’en est pas moins travailleur, puisqu’il traduit, à cette époque, deux œuvres de non faible importance : La Première Eglogue des Bucoliques de Virgile et Le jugement de Minos.

Ensuite, le secrétaire du roi, Nicolas de Neufville, l’engagera comme page. Ce dernier terme n’est assurément plus à considérer comme celui revêtant les mêmes fonctions qu’il pouvait nous faire entendre en période médiévale. Le « page » ou « valet » désigne à présent l’écrivain de cour.

En 1515, il est clerc à la chancellerie de Paris, basochien, et sous la protection du ministre Florimond Robertet. Aussi, le fait qu’il fut, à cette époque, membre des Enfants sans souci, tout porte à croire qu’il en fut membre actif, et qu’il du interpréter quelques sotties parisiennes à l'hôpital de la Trinité.

En 1519, et probablement suite à une décision de François 1er, 
le voici attaché comme poète à Marguerite de France, propre sœur du monarque précité, et duchesse d’Alençon.
 
Nous sommes alors en pleine période d’idées réformatrices en matière de religion. Nombre pensées s’opposent, et ce fut du relationnel de Dame Marguerite que Clément se pervertit en adoptant et diffusant de sa plume certains anti-dogmes dictés de Jacques Lefèvre d’Etaples, vicaire de l’évêque de Meaux – complice également.

Ce qui ne dura qu’un laps de temps, car non du goût de la Sorbonne !

De persécutions, cette dernière obtiendra la soumission de Guillaume Briçonnet, ledit évêque, ainsi qu’aisément la fuite de Lefèvre.

Le jeune Marot, quant à lui, devenu paria dans cette affaire d’adultes, se réfugia à Nérac, auprès de Marguerite ; disons la plus haute protection de garantie.

Cependant, sa détermination rebelle s’accentuera – son intellect religieux, il y tient ! -, et ce fut en mars 1526 qu’il devra vivre une incarcération au Châtelet (l’enfer), pour l’heure, accusé de luthéranisme. De là, il en fera appel au théologien Nicolas Bouchart, principal artisan de son arrestation, puis à son ami Lyon Jamet de Sensay.

Enfin, ce fut Louis Guillart, évêque de Chartres, qui parvint à le faire transférer en sa prison, plus « clémente ».

Elargit en mai, réincarcéré quelques mois plus tard, puis une troisième fois en 1532 pour les mêmes motifs qu’en 1526, c’est-à-dire pour non respect du jeûne de carême, c’est l’ « L'affaire des placards » qui fut la cause de son premier exile.

La Sorbonne, toujours poursuivant les idées de réformes, ou même celles qui s’en approchent, condamne Marguerite de France, devenue reine de Navarre, pour la subversion de son texte Mémoire de l’âme pécheresse. Clément, dont la hargne religieuse s’assimile peut-être à cette prohibition, estime judicieux d’éviter au mieux les joies du cachot qu’il commence à bien connaître.

À cette appréhension, son intuition fut juste puisqu’il fut interrogé par la police, lors d’un passage à Bordeaux. S’enfuyant de cette ville - à tant, dirions-nous -, il gagne la Navarre où il séjournera en toute quiétude jusqu’en 1535.

De là, sa chère Marguerite de France, sa puissante aînée - malgré tout en disgrâce - invitera notre religieux poète à quitter la région et à se rendre à la cour de Ferrare, plus favorable aux réformes en vogue. Après, il porta un temps son exile à Venise, puis à Genève.

En 1536, suite à l’édit de Coucy, permettant aux émigrés protestants de revenir en France à la condition qu’ils abjurent dans les six mois, Clément Marot se soumit à cette condition, à Lyon, devant de cardinal de Tournon.

Très vite, il retrouvera son crédit auprès du roi qu’il accompagnera d’ailleurs lors de l’expédition de Picardie, en avril 1537, mais d’autres de ses écrits subversifs le conduiront à un second exile, en 1542.

Ayant alors fort mal supporté la raideur du calvinisme genevois, ceci durant plus d’une année, il gagnera Chambéry, puis la cour du comte d’Enghien, où il trouva la mort en septembre 1544.

Auparavant, du souhait de réintégrer Paris, il avait composé une églogue sur la naissance du futur François II, mais la pensée réformatrice ayant dominé sa vie, c’est donc en perpétuel exile qu’il sera inhumé en l’église Saint-Jean Baptiste, à Turin.

 

Si « protestant » était-il, rien n’indique vraiment de quelle obédience il appartenait. Dénoncer l’Eglise de Rome restait dans l’air du temps, et souvent favorable à la monarchie. Aussi, il est fort probable que ce dessein fut à l’origine de l’hétérodoxie « spirituelle » de Marot.

Rappelons que son père écrivait pour François 1er, et, qu’après sa mort, vers 1525, Clément lui succéda dans cette charge.

Sa première dérive fut son rapprochement aux évangélistes de la théologie de Jacques Lefèvre ; ceux que l’on désignaient comme « groupe de Meaux ».

Lefèvre, ayant écrit des commentaires sur les évangiles et publié son Quincuplex psalterium, en 1509, rejoint les conceptions de Nicolas de Cuse ; avant lui, celles de Denys l’Aréopagite : « il faut croire en l’Evangile, et non la comprendre », « l’homme ne peut penser Dieu, ni même l’infini où les contraires coïncident, que par une méthode analogique… »

Egalement, Jacques Lefèvre considère que Platon, Aristote et bon nombre de philosophes grecs peuvent mener au christianisme.

« Il faut vivre dans le christ » rappelait le Manuel du soldat chrétien d’Erasme.

À partir de 1521, les défenseurs du précepte se différencient en trois théologies opposées : les luthériens, l’erasmisme et l’évangélisme réformé. Ce dernier constituant le groupe de Meaux, influencé par l’humaniste suisse Ulrich Zwingli, qui, contrairement à Luther, ne reconnaît pas le christ en l’eucharistie.

Au châtelet, interrogé par le lieutenant criminel Gilles Maillart, Clément Marot niera être luthériste ; c’est-à-dire contre les gloses papales.

À ce moment, il était jugé pour avoir mangé du lard en carême, suite à une dénonciation d’Isabeau, son ex maîtresse.

Echappant aux horreurs de la justice parisienne, il fut tout de même reconnu évangéliste car, relevant quelques passages des épîtres aux corinthiens de saint Paul, il veut « rassembler les hommes autour du message du christ » ; « la religion doit conduire à la charité » ; « le monde est monde de péché » ; « la mort est une autre vie où règne le christ ».

De là, l’écriture spirituelle de Marot sera abondante : 11 oraisons pieuses et 50 psaumes traduit directement du texte hébreu, et qui deviendront des chants religieux pour les protestants. Enfin, disons que notre poète restait fort représentatif du courant mystique que l’on nommait alors la dévotion moderne ; celle qui, en marge des nouvelles théologies et des humanistes, engendra bon nombre d’églises réformées.

Outre quelques traductions et préfaces d’auteurs antiques, les textes religieux cités ci-dessus, l’œuvre de Marot abonde en petites pièces – il reste, malgré ses exiles, le plus grand poète du temps ; disons que la supériorité de son intellect surpasse haut la main celle de ses détracteurs, désireux de le conduire au bûcher - : 294 épigrammes, 80 rondeaux, 65 épîtres, 54 étrennes ou madrigaux, 42 chansons, 35 cimetières ou épitaphes sérieuses, 27 élégies ou épîtres galantes, 22 chants divers, 17 épitaphes, 15 ballades, 5 complaintes ou élégies funèbres.

Aussi, deux long poèmes : le temple de cupido et L'enfer, pièce qu’il composa à l’hôtellerie de l’Aigle, en 1526.

 

Laurent Lafargeas.

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4 février 2007 7 04 /02 /février /2007 20:05

De l’œuvre de Bernard de Ventadour, il nous reste 41 vers ou chansons et quatres tensons.



Ab joi mou lo vers e.l comens
Amies Bernartz de Ventadorn
Amors, enquera.us preyara
Ane no gardei sazo ni mes
A tantas bonas chansos
Ara no vei luzir solelh
Be.m cuidei de chantar sofrir
Be m'an perdut lai enves Ventadorn
Bel m'es can eu vei la brolha
Bel m'es qu'eu chan en aquel mes
Bernait de Ventadorn, del chan
Can l'erba fresch' e.lh folha par
Can la verz folha s'espan
Can vei la flor, l'erba vert e la folha
Can la freid' aura venta
Can par la flors josta.l vert folh
Can vei la lauzeta mover
Can lo dous temps comensa
Can lo boschatges es floritz
Chantars no pot gaire valer
Conortz, era sai eu be
E mainh genh se volv e's vira
En cossirer et en esmai
Era.m cosselhatz, senhor
Estât ai com om esperdutz
Gent estera que chantes
Ges de chantar no.m pren talans
Ja mos chantars no m'er onors
Lancan folhon bosc e jarric
La dousa votz ai auzida
Lancan vei per mei la landa
Lancan vei la folha
Lo rossinhols s'esbaudeya

Lo tems vai e ven e vire

 Lo gens tems de pascor
Lonc tems a qu'eu no chantei mai

Non es meravelha s'ieu chan


 


 

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4 février 2007 7 04 /02 /février /2007 19:51
Le château de Ventadour n’est plus, aujourd’hui, qu’une ruine près du Moustier-Ventadour, dans le canton d’Egleton, en Corrèze.
Une ruine certes, mais auparavant une magnifique forteresse abritant d’illustres fieffés relevant de l’autorité des Guillaume de Poitiers.
Cette dynastie était issue de celle de Comborn qui, au XIè siècle divisa sa juridiction en deux égaux pouvoirs : celui d’Archambauld, restant à Comborn, dominant la Vézère, et celui de son frère  Ebles 1er, s’établissant alors à Ventadour.
Ebles II, poète dont aucune œuvre ne peut être lue aujourd’hui, fut un grand ami de Guillaume IX d’Aquitaine.
Ce qui laisse penser qu’il dut profiter de l’influence de celui-ci en matière artistique.
D’ailleurs, cette influence perdurera puisque Bernard de Ventadour  parlera du château comme de « l’école d’Eblon ».


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Bernard de Ventadour




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4 février 2007 7 04 /02 /février /2007 19:24

Les rhétoriqueurs

 

Entre François Villon et 1549, année du manifeste de la Pléiade, notre littérature ne retiendra que le nom de Clément Marot (le « gentil Marot » de Marguerite de Navarre), certes, mais les autres poètes de ce temps ne furent pas sans influence sur la poésie des XVI et XVII è. siècles. Par exemple, nous pouvons noter Alain Chartier comme le premier pratiquant de l’art du vers ; disons le premier rhétoriqueur.

Ecrivant bien avant Villon, secrétaire du roi Charles VI, puis de son successeur, de ses poèmes courtois ainsi qu’avec son Quadrilogue invectif, ce « père de l’éloquence française » avait introduit l’art de bien dire en notre futur hexagone. La prose, s’étant substituée progressivement au vers - ceci durant les derniers combats de la guerre de cent ans -, la forme d’un texte, devait s’observer alors plus travaillée que celle des pâles imitateurs de Guillaume de Lorris ou de Jean de Meung.

Anne de Bretagne, de renom, entre dans l’histoire non pas que de ses alliances royales, mais également par sa « protection » au profit de notre littérature. À la suite des trouvères des XII, XIII et XIV è. siècles, nombre poètes furent appuyés dans le sens du lai, du rondeau et du virelai ; aussi, le sirventès.

Notons l’art de Guillaume Crétin, le « souverain poète français », comme le nommait Clément Marot, et fin créateur de rimes équivoquées ; rimes formant calembour. Avant lui, Georges Chastelain, auteur, entre autre, des Douze dames de rhétorique.

Citons également Jean Le Maire de Belges, neveu de Jean Molinet, théoricien par son Art et science de rhétorique.

Jean Meschinot, compositeur des Lunettes des princes, et bien sûr Jean Marot, le père de Clément.

 

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Marot l'exilé

 

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4 février 2007 7 04 /02 /février /2007 11:51

L’affaire des placards

 

Nous sommes en 1534. En France, les réformes pullulent, mais contre elles, le roi demeure pusillanime. Cependant, ladite affaire des placards le conduira à ordonner de violentes mesures répressives à l’encontre des protestants.

Le 17 octobre, clandestinement et durant la nuit, sont affichés, à Paris et en d’autres villes, des « placards » écrits par Antoine de Marcourt : Articles véritables sur les horribles grands et insupportables abus de la messe papale.

Une copie de ce texte anti-catholique sera épinglée au château d’Amboise, sur la porte même de la chambre du roi.

Cette outrecuidance, qualifiée alors d’ « attentat » provoqua la colère de François 1er

qui fit promettre 200 écus à tous ceux qui dénonceront les « criminels » - sans conteste, voués au bûcher.

Ainsi, début novembre, sept condamnations à mort seront prononcées. Le 15 du même mois, six autres personnes sont brûlées vives.

En janvier de l’année suivante, un édit royal stoppa toutes les imprimeries, et ferma toutes les librairies.

La répression s’estompa tout de même vers la fin de 1535, car politiquement négative à l’esprit de la noblesse allemande, dont le rapprochement au trône de France s’avérait particulièrement nécessaire. 

 

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Marot l'exilé

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4 février 2007 7 04 /02 /février /2007 11:11
I. Bons fut li siecles al tens ancienor,

Quer feit i ert e justise et amor,

Si ert credance, dont or n'i at nul prot ;

Toz est mudez, perdude at sa color :

Ja mais n'iert tels com fut als ancessors.

II. Al tens Noe et al tens Abraam

Et al David, cui Deus par amat tant,

Bons fut li siecles : ja mais n'iert si vaillanz ;

Vielz est e frailes, tot s'en vait declinant,

Si'st empeiriez toz biens vait remanant.

III. Puis icel tens que Deus nos vint salver

Nostre ancessor ourent crestientet,

Si fut uns sire de Rome la citet ;

Riches om fut, de grant nobilitet :

Por çol vos di d'un suen fil vueil parler.

IV. Eufemiiens, ensi out nom li pedre,

Cons fut de Rome del mielz qui donc i eret ;

Sour toz ses pers l’amat li emperedre.

Donc prist moillier vaillant et onorede,

Des mielz gentilz de tote la contrede.

V. Puis converserent ensemble longement.

Qued enfant n’ourent peiset lor en fortement ;

Deu en apelent andoi parfitement :

« E ! reis celestes, par ton comandement

Enfant nos done qui seit a ton talent ! »

VI. Tant li preierent par grant umilitet

Que la moillier donat feconditet :

Un fil lor donet, si l’en sourent bon gret.

De saint batesme l’ont fait regenerer :

Bel nom li mistrent solonc crestientet.

VII. Batisiez fut, si out nom Alexis :

Qui l’out portet volentiers le nodrit ;

Puis li bons pedre ad escole le mist :

Tant aprist letres que bien en fut guarniz ;

Puis vait li enfes l’emperedor servir.

VIII. Quant veit li pedre que mais n’avrat enfant,

Mais que cel sol cui il par amat taut,

Donc se porpenset del siecle ad en avant :

Or vuelt que prenget moillier a son vivant ;

Donc li achatet filie ad un noble franc.

IX. Fut la pulcele de molt halt parentet,

Filie ad un conte de Rome la citet :

N'at plus enfant, lei vuelt molt onorer.

Ensemble en vont li doi pedre parler :

Lor dous enfanz vuelent faire assembler.

X. Noment le terme de lor assemblement ;

Quant vint al faire, donc le font gentement :

Danz Alexis l'esposat belement ;

Mais de cel plait ne volsist il neieut :

De tot en tot a Deu at son talent.

XI. Quant li jorz passet et il fut anoitiet,

Ço dist li pedre : « Filz, quer te vai colchier

Avuec ta spose, al comant Deu del ciel. »

Ne volst li enfes son pedre corrocier :

Vait en la chambre ou eret sa moillier.

XII. Com vit le lit, esguardat la pulcele,

Donc lui remembret de son seignor celeste,

Que plus at chier que tote rien terrestre :

« E ! Deus », dist il, « si forz pechiez m'apresset !

S'or ne m'en fui, molt criem que ne t'en perde. »

XIII. Quant en la chambre furent tot sol remes,

Danz Alexis la prist ad apeler :

La mortel vide li prist molt a blasmer,

De la celeste li mostret veritet ;

Mais lui ert tart qued il s'en fust tornez.

XIV. « Oz tu, pulcele? Celui tien ad espos

Qui nos redenst de son sanc precios.

En icest siecle nen at parfite amor ;

La vide est fraile, n'i at durable onor,

Ceste ledice revert a grant tristor. »

XV. Quant sa raison li at tote mostrede,

Donc li comandet les renges de sa spede

Et un anel dont il l'out esposede.

Donc en ist fors de la chambre son pedre :

En mie nuit s'en fuit de la contrede.

XVI. Donc vint edrant dreitement a la mer :

La nef est prest ou il deveit entrer ;

Donet son pris et enz est aloez ;

Drecent lor sigle, laissent corre par mer :

La pristrent terre ou Deus lor volst doner.

XVII. Dreit a Lalice, ço fut citet molt bele,

Iluec arrivet sainement la nacele.

Donc en eissit danz Alexis a terre ;

Mais ço ne sai com longes i converset :

Ou qued il seit de Deu servir ne cesset.

XVIII. Puis s'en alat en Alsis la citet

Por une imagene dont il odit parler,

Qued angele firent par commandement Deu

El nom la virgene qui portat salvetet,

Sainte Marie, la medre Damnedeu.

XIX. Tot son aveir qu'ot sei en at portet,

Tot le depart, que giens ne l'en remest :

Larges almosnes par Alsis la citet

Donat als povres ou qu'il les pout trover ;

Por nul aveir ne volst estre encombrez.

XX. Quant son aveir lor at tot departit,

Entre les povres s'assist danz Alexis,

Reçut l'almosne quant Deus la li tramist ;

Tant en retient dont son cors puet guarir :

Se lui'n remaint, sil rent als poverins.

XXI. Or revendrai al pedre et a la medre

Et a la spose qui sole fut remese.

Quant il ço sourent qued il fuiz s'en eret,

Ço fut granz duels qued il en demenerent

E granz deplainz par tote la contrede.

XXII. Ço dist li pedre: « Chiers filz, com t'ai perdut ! »

Respont la medre : « Lasse ! qu'est devenuz ? »

Ço dist la spose : « Pechiez le m'at tolut.

Amis, bels sire, si pou vos ai out !

Or soi si graime que ne puis estre plus. »

XXIII. Donc prent li pedre de ses meillors serjanz :

Par moltes terres fait querre son enfant.

Jusque en Alsis en vindrent doi edrant :

Iluec troverent dam Alexis sedant ;

Mais ne conurent son vis ne son semblant.

XXIV. Si out li enfes sa tendre charn mudede

Nel reconurent li doi serjant son pedre :

A lui medisme ont l'almosne donede ;

Il la reçut come li altre fredre.

Nel reconurent, sempres s'en retornerent.

XXV. Nel reconurent ne ne l'ont enterciet.

Damz Alexis en lodet Deu del ciel

D'icez suens sers cui il est almosniers ;

Il fut lor sire, or est lor provendiers :

Ne vos sai dire com il s'en firet liez.

XXVI. Cil s'en repaidrent a Rome la citet,

Noncent al pedre que nel pourent trover.

Sed il fut grains ne l'estuet demander.

La bone medre s'en prist a dementer,

E son chier fil sovent a regreter.

XXVII. « Filz Alexis, por queit portat ta medre ?

Tu m'ies fuiz, dolente en soi remese.

Ne sai le lieu ne ne sai la contrede

Ou t'alge querre : tote en sui esguarede.

Ja mais n'ier liede, chiers filz, ne n'iert tes pedre. »

XXVIII. Vint en la chambre, pleine de marrement,

Si la desperet que n'i remest neient :

N'i remest palie ne neul ornement.

A tel tristor atornat son talent

Onc puis cel di nes contint liedement.

XXIX. « Chambre, » dist ele, « ja mais n'estras parede,

Ne ja ledice n'iert en tei demenede ! »

Si l'at destruite com s'ost l'oust predede ;

Sas i fait pendre e cinces deramedes :

Sa grant onor a grant duel at tornede.

XXX. Del duel s'assist la medre jus a terre,

Si fist la spose dam Alexis a certes :

« Dame », dist ele, « jo ai fait si grant perte !

Des or vivrai en guise de tortrele :

Quant n'ai ton fil, ensemble o tei vueil estre. »

XXXI. Respont la medre : « S'ot mei te vuels tenir,

Sit guarderai por amor Alexis

Ja n'avras mel dont te puisse guarir.

Plaignons ensemble le duel de nostre ami,

Tu por seignor, jol ferai por mon fil. »

XXXII. Ne puet altre estre, metent l'el considrer ;

Mais la dolor ne puedent oblider,

Danz Alexis en Alsis la citet

Sert son seignor par bone volentet :

Ses enemis nel puet onc enganer.

XXXIII. Dis e set anz, n'en fut neient a dire,

Penant son cors el Damnedeu servise :

Por amistiet ne d'ami ne d'amie

Ne por onors qui lui fussent tramises

N'en vuelt torner tant com il at a vivre.

XXXIV. Quant tot son cuer en at si atornet

Que ja son vuel n'eistrat de la citet,

Deus fist l'imagene por soe amor parler

Al servitor qui serveit a l'alter ;

Ço li comandet : « Apele l'ome Deu. »

XXXV. Ço dist l'imagene : « Fai l'ome Deu venir

Enz el mostier, quer il l'at deservit,

Et il est dignes d'entrer en paradis. »

Cil vait, sil quiert, mais il nel set choisir,

Icel siant ome de cui l'imagene dist.

XXXVI. Revint li costre a l'imagene el mostier :

« Certes », dist il, « ne sai cui entercier. »

Respont l'imagene : « Ço'st cil qui tres l'uis siet.

Pres est de Deu e del regne del ciel :

Par nule guise ne s'en vuelt esloignier. »

XXXVII. Cil vait, sil quiert, fait l'el mostier venir.

Es vos l'essemple par trestot le pais

Que cele imagene parlat por Alexis :

Trestoit l'onorent, li grant e li petit,

E toit li prient que d'els aiet mercit.

XXXVIII. Quant il ço veit quel vuelent onorer :

« Certes », dist il, « n'i ai mais ad ester ;

D'iceste onor nem revueil encombrer. »

En mie nuit s'en fuit de la citet :

Dreit a Lalice rejoint li suens edrers.

XXXIX. Danz Alexis entrat en une nef :

Drecent lor sigle, laissent corre par mer ;

Dreit a Tarson espeiret arriver,

Mais ne puet estre ; aillors l'estuet aler :

Tot dreit a Rome les portet li orez.

XL. Ad un des porz qui est pres de Rome,

Iluec arrivet la nef a cel saint ome.

Quant veit son regne, molt fortment se redotet

De ses parenz, qued il nel reconoissent

E de l'onor del siecle ne l'encombrent.

XLI. « E ! Deus », dist il, « bels reis qui tot governes,

Se tei ploust, ici ne volsisse estre.

S'or me conoissent mi parent d'este terre,

Il me prendront par pri o par podeste :

Se jos en creit, il me trairont a perdre.

XLII. « Mais neporuec mes pedre me desidret,

Si fait ma medre plus que feme qui vivet,

Avuec ma spose que jo lor ai guerpide.

Or ne lairai nem mete en lor baillie :

Nem conoistront, tanz jorz at que nem vidrent. »

XLIII. Ist de la nef e vait edrant a Rome :

Vait par les rues dont il ja bien fut cointes,

Altre puis altre, mais son pedre i encontret,

Ensemble ot lui grant masse de ses omes ;

Sil reconut, par son dreit nom le nomet :

XLIV. « Eufemiiens, bels sire, riches om,

Quer me heberge por Deu en ta maison :

Soz ton degret me fai un grabatum

Empor ton fil dont tu as tel dolor.

Tot soi enfers, sim pais por soe amor. »

XLV. Quant ot li pedre la clamor de son fil,

Plorent si ueil, ne s'en puet astenir :

« Por amor Deu e por mon chier ami

Tot te donrai, bons om, quant que m'as quis,

Lit et ostel e pain e charn e vin. »

XLVI. « E ! Deus », dist il, « quer ousse un serjant

Quil me guardast ! Jo l'en fereie franc. »

Un en i out qui sempres vint avant :

« Es me », dist il, « quil guart par ton comant :

Por toe amor en soferrai l'ahan. »

XLVII. Cil le menat endreit soz le degret :

Fait li son lit ou il puet reposer ;

Tot li amanvet quant besoinz li ert :

Vers son seignor ne s'en vuelt mesaler ;

Par nule guise ne l'en puet om blasmer.

XLVIII. Sovent le vidrent e li pedre e la medre

E la pucele qued il out esposede :

Par nule guise onques ne l'aviserent,

N'il ne lor dist, ned il nel demanderent,

Quels om esteit ne de quel terre il eret.

XLIX. Soventes feiz les veit grant duel mener,

E de lor uelz molt tendrement plorer,

E tot por lui, onques neient por el :

Il les esguardet, sil met el considrer ;

N'at soing quel veiet, si est a Deu tornez.

L. Soz le degret ou gist sour une nate,

Iluec paist l'om del relief de la table.

A grant poverte deduit son grant parage ;

Ço ne vuelt il que sa medre le sachet :

Plus aimet Deu que trestot son lignage.

LI. De la viande qui del herbere li vient

Tant en retient dont son cors en sostient :

Se lui'n remaint, sil rent als alomsniers ;

N'en fait musjode por son cors engraissier,

Mais als plus povres le donet a mangier.

LII. En sainte eglise converset volentiers :

Chascune feste se fait acomungier ;

Sainte escriture ço ert ses conseillers :

Del Deu servise le ruevet esforcier ;

Par nule guise ne s'en vuelt esloignier.

LIII. Soz le degret ou il gist e converset,

Iluec deduit liedement sa poverte.

Li serf son pedre qui la maisniede servent

Lor lavedures li gietent sour la teste :

Ne s'en corocet ned il nes en apelet.

LIV. Toit l'escharnissent, sil tienent por bricon :

L'aive li gietent, si moillent son liçon ;

Ne s'en corrocet giens cil saintismes om,

Ainz priet Deu qued il le lor pardoinst

Par sa mercit, quer ne sevent que font.

LV. Iluec converset ensi dis e set anz :

Nel reconut nuls suens apartenanz ;

Ne neuls om ne sout les suens ahanz,

Fors sol le lit ou il at geut tant :

Ne puet muder ne seit aparissant.

LVI. Trente quatre anz at si son cors penet ;

Deus son servise li vuelt guedredoner :

Molt li engrieget la soe enfermetet ;

Or set il bien qued il s'en deit aler :

Cel suen serjant at a sei apelet.

LVII. « Quier mei, bels fredre, et enque e parchamin

Et une pene, ço pri toe mercit. »

Cil li aportet, receit les Alexis ;

De sei medisme tote la chartre escrist,

Com s'en alat e com il s'en revint.

LVIII. Tres sei la tint, ne la volst demostrer,

Nel reconoissent usque il s'en seit alez.

Parfitement s'at a Deu comandet.

Sa fin apruismet, ses cors est agravez,

De tot en tot recesset del parler.

LIX. En la semaine qued il s'en dut aler

Vint une voiz treis feiz en la citet

Hors del sacrarie par comandement Deu,

Qui ses fedelz li at toz envidez :

Prest est la glorie qued il li vuelt doner.

LX. A l'altre voiz lor fait altre somonse,

Que l'ome Deu quiergent qui est en Rome,

Si li deprient que la citet ne fondet

Ne ne perissent la gent qui enz fregondent :

Qui l'ont odit remainent en grant dote.

LXI. Sainz Innocenz ert idonc apostolies.

A lui en vindrent e li riche e li povre,

Si li requierent conseil d'icele chose

Qu'il ont odide, qui molt les desconfortet :

Ne guardent l'ore que terre les enclodet.

LXII. Li apostolies e li emperedor,

Li uns Arcadie, li altre Onorie out nom,

E toz li pueples par comune oreison

Deprient Deu que conseil lor en doinst,

D'icel saint ome par cui il guariront.

LXIII. Ço li deprient, la soe pietet,

Que lor enseint oul puissent recovrer.

Vint une voiz qui lor ad enditet :

« En la maison Eufemiien querez.

Quer iluec est, iluec le troverez. »

LXIV. Toit s'en retornent sour dam Eufemiien ;

Alquant le prenent fortment a blastengier :

« Iceste chose nos dousses noncier,

A tot le pueple qui ert desconseilliez.

Tant l'as celet molt i as grant pechiet. »

LXV. Il s'escondit com li om qui nel set,

Mais ne l'en creident : al herbere sont alet.

Il vait avant la maison aprester ;

Fortment l'enquiert a toz ses menestrels :

Icil respondent que neuls d'els nel set.

LXVI. Li apostolies e li emperedor

Siedent es bans pensif e corroços.

Il les esguardent toit cil altre seignor :

Deprient Deu que conseil lor en doinst

D'icel saint ome par cui il guariront.

LXVII. En tant dementres com il iluec ont sis

Desseivret l'aneme del cors saint Alexis :

Tot dreitement en vait en paradis

A son seignor qu'il aveit tant servit.

E ! reis celestes, tu nos i fai venir !

LXVIII. Li bons serjanz quil serveit volentiers

Il le nonçat son pedre Eufemiien ;

Soef l'apelet, si li at conseillet :

« Sire », dist il, « morz est tes provendiers,

E ço sai dire qu'il fut bons crestiiens.

LXIX. « Molt longement ai ot lui converset :

De nule chose certes nel sai blasmer,

E ço m'est vis que ço est li om Deu. »

Toz sols s'en est Eufemiiens tornez,

Vint a son fil ou gist soz son degret.

LXX. Les dras sozlievet dont il esteit coverz :

Vit del saint ome le vis cler e bel ;

En son poing tient sa chartre li Deu sers,

Ou at escrit trestot le suen convers :

Eufemiiens vuelt saveir qued espelt.

LXXI. Il la vuelt prendre, cil ne li vuelt guerpir.

A l'apostolie revient toz esbadiz :

« Ore ai trovet ço que tant avons quis :

Soz mon degret gist uns morz pelerins ;

Tient une chartre, mais ne li puis tolir. »

LXXII. Li apostolies e li emperedor

Vienent devant, gietent s'ad oreisons,

Metent lor cors en granz afflictions :

« Mercit, mercit, mercit, saintismes om !

Net coneumes n'encor net conoissons.

LXXIII. « Ci devant tei estont doi pechedor,

Par la Deu grace vochiet emperedor ;

Ço'st sa mercit qu'il nos consent l'onor.

De tot cest mont somes nos jugedor :

Del tuen conseil somes tot bosoignos.

LXXIV. « Cist apostolies deit les anemes baillir :

Ço'st ses mestiers dont il at a servir ;

Done li la par la toe mercit :

Ço nos dirat qu'enz troverat escrit,

E ço doinst Deus qu'ore en poissons guarir ! »

LXV. Li apostolies tent sa main a la chartre ;

Sainz Alexis la soe li alaschet :

Lui la consent qui de Rome esteit pape.

Il ne la list ned il dedenz n'esguardet :

Avant la tent ad un bon clerc e savie.

LXVI. Li chanceliers cui li mestiers en eret,

Cil list la chartre ; li altre l'escolterent.

D'icele geme qued iluec ont trovede

Le nom lor dist, del pedre e de la medre,

E ço lor dist de quels parenz il eret ;

LXXVII. E ço lor dist com s'en fuit par mer

Come en alat en Alsis la citet,

E com l'imagene Deus fist por lui parler,

E por l'onor dont nes volst encombrer

S'en refuit en Rome la citet.

LXXVIII. Quant ot li pedre ço que dit at la chartre,

Ad ambes mains deromt sa blanche barbe :

« E ! filz, » dist il, « com doloros message ! »

Vis atendeie qued a mei repaidrasses,

Par Deu mercit que tum reconfortasses. »

LXXIX. A halte voiz prist li pedre a crider :

« Filz Alexis, quels duels m'est presentez !

Malvaise guarde t'ai fait soz mon degret.

A ! las pechables, com par fui avoglez !

Tant l'ai vedut, si nel poi aviser !

LXXX. « Filz Alexis, de ta dolente medre !

Tantes dolors at por tei enduredes,

E tantes fains e tantes seiz passedes,

E tantes lairmes por le tuen cors ploredes !

Cist duels l'avrat encui par acorede.

LXXXI. « O filz, cui ierent mes granz ereditez,

Mes larges terres dont jo aveie assez,

Mi grant palais en Rome la citet ?

Empor tei, filz, m'en estei penez :

Puis mon deces en fusses onorez.

LXXXII. « Blanc ai le chief e la barbe ai chenude :

Ma grant onor aveie retenude

Empor tei, filz, mais n'en aveies cure.

Si grant dolor ui m'est apareude !

Filz, la toe aneme seit el ciel assolude !

LXXXIII. « Tei covenist helme e bronie a porter,

Espede ceindre come toi altre per ;

Ta grant maisniede dousses governer,

Le gonfanon l'emperedor porter,

Com fist tes pedre e li tuens parentez.

LXXXIV. « A tel dolor et a si grant poverte,

Filz, t'ies deduiz par alienes terres !

E d'icel bien qui toz doust tuens estre

Pou en perneies en ta povre herberge :

Se Deu ploust, sire en dousses estre. »

LXXXV. De la dolor que demenat li pedre

Grant fut la noise, si l'entendit la medre :

La vint corant com feme forsenede,

Batant ses palmes, cridant, eschevelede ;

Veit mort son fil, a terre chiet pasmede.

LXXXVI. Qui donc li vit son grant duel demener

Son piz debatre e son cors degeter,

Ses crins detraire e son vis maiseler,

Et son mort fil baisier et acoler,

N'i out si dur ne l'estoust plorer.

LXXXVII. Trait ses chavels e debat sa peitrine,

A grant duel met la soe charn medisme :

« E ! filz » dist ele, « com m'oüs enhadide !

E jo, dolente, com par fui avoglide !

Net conoisseie plus qu'onques nel vedisse. »

LXXXVIII. Plorent si ueil e si gietet granz criz ;

Sempres regretet : « Mar te portai, bels filz !

E de ta medre que n'aveies mercit ?

Por teim vedeies desidrer a morir :

Ço'st grant merveille que pitiet ne t'en prist !

LXXXIX. A ! lasse, mesdre, come oi fort aventure !

Ci vei jo morte tote ma portedure.

Ma longe atente a grant duel est venude.

Que podrai faire, dolente, malfadude ?

Ço'st grant merveille que li miens cuers tant duret !

XC. « Filz Alexis, molt ous dur corage

Quant adossas tot ton gentil lignage !

Sed a mei sole vels une feiz parlasses,

Ta lasse medre si la reconfortasses,

Qui si'st dolente, chiers filz, buer i alasses.

XCI. « Filz Alexis, de la toe charn tendre !

A quel dolor deduit as ta jovente !

Por queim fuis ? jat portai en mon ventre ;

E Deus le set que tote soi dolente :

Ja mais n'ier liede por ome ne por feme.

XCII. « Ainz que t'ousse en fui molt desidrose ;

Ainz que nez fusses si'n fui molt angoissose ;

Quant jot vi net si'n fui liede e joiose ;

Or te vei mort, tote en sui corroçose :

Ço peiset mei que ma fin tant demoret.

XCIII. « Seignor de Rome, por amor Deu, mercit !

Aidiez m'a plaindre le duel de mon ami.

Granz est li duels qui sour mei est vertiz ;

Ne puis tant faire que mes cuers s'en sazit :

Nen est merveille : n'ai mais fille ne fil. »

XCIV. Entre le duel del pedre e de la medre

Vint la pulcele qued il out esposede :

« Sire », dist ele, « com longe demorede !

Atendut t'ai en la maison ton pedre,

Ou tum laissas dolente et esguarede.

XCV. « Sire Alexis, tanz jorz t'ai desidret,

E tantes lairmes por le tuen cors ploret,

E tantes feiz por tei en loinz guardet,

Se revenisses ta spose conforter,

Por felonie neient ne por lastet !

XCVI. « O chiers amis, de ta jovente bele !

Ço peiset mei que podrirat en terre.

E ! gentilz om, com dolente puis estre !

Jo atendeie de tei bones noveles,

Mais or les vei si dures e si pesmes !

XCVII. « O bele boche, bels vis, bele faiture,

Com vei mudede vostre bele figure !

Plus vos amai que nule creature.

Si grant dolor ui m'est apareude !

Mielz me venist, amis, que morte fusse.

XCVIII. « Se jot sousse la jus soz le degret,

Ou as geut de longe enfermetet,

Ja tote gent nem soussent torner

Qu'ensemble ot tei n'ousse converset :

Se mei leust, si t'ousse guardet.

XCIX. « Or par soi vedve, sire, » dist la pulcele :

« Ja mais ledice n'avrai, quer ne puet estre,

Ne charnel ome n'avrai ja mais en terre.

Deu servirai, le rei qui tot governet :

Il nem faldrat, s'il veit que jo lui serve. »

C. Tant i plorerent e li pedre e la medre

E la pulcele que toit s'en alasserent.

En tant dementres le saint cors conrederent

Toit cil seignor e bel l'acostumerent :

Com felix cil qui par feit l'onorerent !

CI. « Seignor, que faites ? » ço dist li apostolies.

« Que valt cist criz, cist duels ne ceste noise ?

Cui que seit duels, a nostre ues est il joie ;

Quer par cestui avrons bone adjutorie :

Si li preiuns que de toz mals nos tolget. »

CII. Trestoit le prenent qui pourent avenir ;

Chantant en portent le cors saint Alexis,

E ço li preient que d'els aiet mercit.

N'estuet somondre icels qui l'ont odit :

Toit i acorent li grant e li petit.

CIII. Si s'en commurent tote la gent de Rome

Plus tost i vint qui plus tost i pout corre.

Par mi les rues en vienent si granz torbes

Ne reis ne cons n'i puet faire entrerote,

Ne le saint cors ne puedent passer oltre.

CIV. Entre els en prenent cil seignour a parler :

« Grant est la presse, nos n'i podrons passer.

Por cest saint cors que Deus nos at donet

Liez est li pueples, qui tant l'a desidret :

Toit i acorent, nuls ne s'en vuelt torner. »

CV. Cil en respondent qui l'empereie, baillissent :

« Mercit, seignor ! nos en querrons mecine :

De noz aveirs feros granz departides

La main menude, qui l'almosne desidret :

S'il nos font presse, donc en iermes delivre. »

CVI. De lor tresor prenent l'or e l'argent,

S'il font geter devant la povre gent :

Par iço coident aveir descombrement ;

Mais ne puet estre ; cil n'en ruevent neient :

A cel saint cors ont tornet lor talent.

CVII. Ad une voiz crident la gent menude :

« De cest aveir certes nos n'avons cure.

Si grant ledice nos est apareude

D'icest saint cors, n'avons soing d'altre mune ;

Quer par cestui avrons nos bone aiude. »

CVIII. Onques en Rome nen out si grant ledice

Com out le jorn als povres et als riches

Por cel saint cors qu'il ont en lor baillie :

Ço lor est vis que tiengent Deu medisme ;

Trestoz li pueples lodet Deu e graciet.

CIX. Sainz Alexis out bone volentet :

Poruec en est ui cest jorn onorez.

Li cors en gist en Rome la citet

E l'aneme en est enz el paradis Deu :

Bien puet liez estre qui si est aloez.

CX. Qui at pechiet bien s'en puet recorder :

Par penitence s'en puet tres bien salver.

Bries est cist siecles : plus durable atendez.

Ço depreions la sainte trinitet

Qu'ot lui ensemble poissons el ciel regner.

CXI. Sorz ned avuegles ne contraiz ne lepros

Ne muz ne ors ne nuls palasinos,

Ensorquetot ne neuls langoros,

Nul n'en i at qui'n alget malendos,

Cel n'en i at qui'n report sa dolor.

CXII. N'i vient enfers de nule enfermetet

Quant il l'apelet sempres n'aiet santet.

Alquant i vont, alquant se font porter.

Si veirs miracles lor at Deus demostrez

Qui vint plorant chantant l'en fait raler.

CXIII. Cil doi seignor qui l'emperie governent,

Quant il i veident les vertuz si apertes,

Il le receivent, sil portent e sil servent :

Alques par pri e le plus par podeste

Vont en avant, si derompent la presse.

CXIV. Sainz Boneface, qued om martir apelet,

Aveit en Rome une eglise molt bele :

Iluec en portent saint Alexis a certes

Et atement le posent a la terre.

Felix li lieus ou ses sainz cors herberget !

CXV. La gent de Rome, qui taut l'ont desidret,

Set jorz le tienent sour terre a podestet.

Grant est la presse, ne l'estuet demander :

De totes parz l'ont si avironet

Qued avisonques i puet om abiter.

CXVI. Al setme jorn fut faite la herberge

A cel saint cors, a la geme celeste ;

En sus se traient, si alaschet la presse :

Vueillent o non, sil laissent metre en terre ;

Ço peiset els, mais altre ne puet estre.

CXVII. Ad encensiers, ad ories chandelabres

Clerc revestut en albes et en chapes

Metent le cors enz el sarcueu de marbre.

Alquant i chantent, li pluisor getent lairmes :

Ja le lor vuel de lui ne desevrassent.

CXVIII. D'or e de gemes fut li sarcueus parez

Por cel saint cors qu'il i deivent poser ;

En terrel metent par vive podestet.

Plorent li pueples de Rome la citet :

Soz ciel n'at ome quis puisset conforter.

CXIX. Or n'estuet dire, del pedre e de la medre

E de la spose come il le regreterent ;

Quer toit en ont lor voiz si atempredes

Que toit le plainstrent e toit le doloserent :

Cel jorn i out cent mil lairmes ploredes.

CXX. Desoure terre nel pourent mais tenir :

Vueillent o non, sil laissent enfodir ;

Prenent congiet al cors saint Alexis,

E si li prient que d'els aiet mercit,

Al suen seignor il lor seit bons plaidis.

CXXI. Vait s'en li pueples. E li pedre e la medre

E la pulcele onques ne desevrerent :

Ensemble furent jusque a Deu s'en ralerent.

Lor compaignie fut bone et onorede :

Par cel saint ome sont lor anemes salvedes.

CXXII. Saint Alexis est el ciel senz dotance,

Ensemble ot Deu, en la compaigne als angeles,

Ot la pulcele dont se fist si estranges ;

Or l'at ot sei, ensemble sont lor anemes :

Ne vos sai dire com lor ledice est grande.

CXXIII. Com bone peine, Deus, e com bon servise,

Fist cil sainz om en ceste mortel vide !

Quer ore est s'aneme de glorie replenide :

Ço at ques vuelt, n'en est neient a dire ;

Ensourquetot e si veit Deu medisme.

CXXIV. Las ! malfadut ! come esmes encombret !

Quer ço vedons que tot somes desvet.

De noz pechiez somes si avoglet

La dreite veie nos font tresoblider :

Par cest saint ome doussons ralumer.

CXXV. Aions, seignor, cest saint ome en memorie,

Si li preions que de toz mals noz tolget :

En icest siecle nos achat pais e joie,

Et en cel altre la plus durable glorie

En ipse verbe : si'n dimes Pater noster.


Amen !

 


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Histoire de la littérature française : La vulgaire.


 

 


 
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