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  • Laurent
  • Réac, atrabilaire, mais non sans expérience le justifiant. Sens de l'humour permanent, mais hélas sens de la réalité qui s'échappe de jour en jour. Par contre, même houleux, j'aime bien les échanges de point de vue. Et sur tous les sujets.
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2 avril 2005 6 02 /04 /avril /2005 00:00
     
  Elle revient

 

“ Le rejet du superficiel est une science instinctive.
Naturellement, son éminence se passe de votre volonté. ”

 

 

- Contrairement à ce que je t’avais dit le lendemain de mon humiliation, je restais persuadé te trouver le soir du lundi quinze au Blues’Café ; l’endroit parfaitement adapté à ton rôle autant qu’à celui que tu m’as fait jouer dans cette lamentable scène. Le Blues’Café, ce bar tenu par un musicophile quinquagénaire ; ce lieu peuplé souvent d’illusionnistes et de soi-disant mélomanes, bondé assurément de noctambules alcoolisés et d’autres gens n’ayant rien à faire une fois le soleil levé - une faune parisienne complètement désœuvrée en somme ; ce bar où tu avais rencontré Loïc trois ans auparavant, où tu avais rencontré Michael, il y a quelques temps ; ce bar dans lequel un autre lundi soir, tu rencontreras peut-être un autre type, dans un autre temps. Je m’approchais de la table que tu occupais, le cœur noué à l’idée que je risquais probablement de t’effrayer. Je m’étais pourtant accompagné d’aucune hésitation, mais j’anticipais et appréhendais une certaine déception. Il y avait déjà de quoi !
Lui, jouait avec l’orchestre, et toi, tu paraissais l’admirer. Je ne retrouvais pas là, l’amour de ma vie en dépression nerveuse, mais une groupie attablée à un verre de bière forte.
Bien entendu, tu devais craindre quelque peu de ma présence inattendue puisque tu m’évinçais depuis dix jours. Certainement, tu avais à redouter peut-être mes réactions puisque tu avais, une fois de plus, trahi mes espérances…
Moi, trop heureux de pouvoir t’approcher, j’ai aussitôt apaisé ton inquiétude. Je me suis empressé de te rassurer jusqu’à te mentir sur les véritables raisons de ma visite fortuite. Aussi, très vite, tu en exigeas beaucoup plus : “ Il est mal dans sa peau…, c’est pour ça que nous sommes là ce soir. Comprends-le ! Sois gentil avec lui…, tu lui as fait trop de mal… ”
Tes yeux, avec tes paroles, s’orientaient un peu partout dans la salle, mais rarement vers moi. “ Tu sais, Michael, c’est quelqu’un de bien. Il ne mérite pas ça… Tout à l’heure, dis lui qu’il est very nice…, sois cool !
Apprends à vivre, pense à autre chose…, essaie de passer une bonne soirée… On est là, tous les trois, on écoute la musique…, c’est bien… Reste bien ! ”

Un moment j’ai osé t’interrompre, cependant le plus délicatement possible, en te demandant à l’oreille et à cause du bruit, si tu reviendrais avec moi un jour. À cette question, devenue presque quotidienne depuis six mois, tu m’as répondu : “ peut-être ”. Si tu m’aimais encore : “ c’est possible ”.
Un peu plus tard, j’ai posé ma main sur ta jambe. Ce mouvement affectif, devenu automatique depuis longtemps, ce geste naturel donc, t’a soudainement glacé le sang. Ton attention, de l’orchestre, se fixa immédiatement vers ailleurs. Tu étais comme presque tétanisée ; très certainement, tu avais honte de moi. Surtout, tu espérais davantage que Michael, occupé, ne put rien y voir. Enfin, j’ose penser, aujourd’hui que cette gêne, ici parfaitement ressentit, ne fut engendrée que par la situation et non par dégoût. Quoiqu’il en soit, j’ai très vite compris, de mon côté, que je n’étais pas l’amour de ta soirée, et j’ai ôté presque aussitôt ma main de là où elle aurait dû rester. Hélas, je n’ai rien obtenu en échange. Aucune remarque, pas même un regard !

Alors, je réalisais que tu souhaitais évoluer dans un autre monde que le notre, dans ce monde superficiel, comme je peux aisément le qualifier sans craindre que l'on me prouve le contraire, dans cet environnement, sans aucun doute différent du mien, aussi différent du tien. Là, où tu persistes maladroitement à vouloir t’introduire parce que justement ce n’est pas ta place. Dans ce monde, intellectuel d’apparence, qui t’enlève par hypnose et qui t’arrache à moi, une fois de plus.
Mon amour, il conviendrait de percevoir cet univers, celui de Michael donc, comme une échappatoire. Ce n’est pas moi que tu tentes de fuir, c’est une idée de vie nouvelle que tu cherches à atteindre. Sache que je ne peux te l’offrir, car je sais qu’il m’est impossible de devenir autre chose que ce que je suis. Ce serait une pure hérésie d’imaginer le contraire.
De toute façon, mes tentatives en ce sens ne pourraient être que malhabiles. Je te l’avais déjà dit : je n’ai pas su te faire rêver, et j’en suis désolé…
Par la suite, j’ai souhaité pleurer sur moi, l’étranger, le Neandertal de cet établissement. J’ai voulu pleurer sur la médiocrité de certaines issues des rapports humains. En effet, j’ai pleuré, mais ce fut alors sur la misère affective qui m’avait entraîné là, au milieu d’un nuage de fumée. Je m’étais pourtant retenu, mais il fallait que je sorte d'ici ; il fallait que je parte et que je te laisse à tes illusions.
À cet instant, tu me sortis de ma douleur pour me plonger dans une autre. Tu m’as demandé de m’excuser auprès de lui pour un mal dont il avait déjà reçu une quantité d’excuses. Bien entendu, je me suis encore excusé. Humblement, je lui ai présenté de nouvelles excuses ; en français et en anglais, bien-sûr ! Et plusieurs fois, même ! Puis, j’ai dû parler un moment . Probablement d’un très mauvais anglais puisqu’il eut l’air agacé. Aucune importance car je n’avais rien à lui dire. Ce n’était pas lui que j’étais venu voir…
La suite de la scène fut absolument ignoble. Devant moi, à quatre vingt centimètres de ma souffrance, tu t’es alors senti obligé de l’embrasser… : “ parce qu’il devait lui, se sentir rassuré ”, m’as-tu expliqué plus tard.
Le reste de la scène, la sortie du bar avec l’intervention indélicate d’un tiers, les mille autres excuses que j’ai réitérées sur la chaussée, à l’extérieur : “ I am sorry ! I am sorry ! … ”, puis la tricherie …
Le mensonge !… Ah ! j’allais oublier les petites phrases que tu m’as accordées, une fois soulagée de me voir partir : “ Bon…, va nulle part, rentre chez toi maintenant… Tu es fatigué. .. Fais pas de bêtises… ”
La fin donc de cette horrible scène, je m’abstiendrais de la décrire davantage. Notons seulement qu’elle traduisait la totale indifférence que tu ressentais à mon égard, et qu’elle servit indiscutablement à lui prouver que je n’étais plus rien pour toi, que tu te débarrassais de moi sans aucun remords, sans aucun regret. Ici, je t’imagine très bien lui dire : “ tu vois, Michael, il n’est plus rien dans ma vie, il ne représente plus rien pour moi. Tu en as la preuve maintenant…, il s’en va, il nous laisse tranquille, il a compris que c’était fini entre nous. Certes, il reste un ami, mais je n’ai plus de sentiment pour lui, et s’il m’aime toujours, tu verras, avec le temps, il trouvera bien une autre femme. ” Enfin, je pourrais imaginer bien d’autres choses, bien d’autres mots que tu pourrais lui avoir dit afin qu’il reste le plus près de toi, qu’il demeure ton rayon de soleil dans l’enfer de ta vie, où la majeure partie de ceux qui t’entourent te veulent du mal, où évoluent une quantité de personnes égocentriques, malsaines, incultes, xénophobes, sans avenir, sans intérêt. Bref ! dans une vie où personne ne t’aime, et où personne ne t’as jamais aimé.
- Tu exagères, jamais je n’ai pensé que tu sois inculte, bien au contraire, et encore moins xénophobe. Je te crois seulement enfermé sur toi-même, très peu ouvert aux autres donc, sectaire et parfaitement casanier.
De vivre avec toi, c’est pas facile. On sort occasionnellement, on voit toujours les mêmes gens, tu as la critique systématique, puis, le dimanche, tu as trop souvent du boulot en retard… T’avoueras que c’est pas marrant pour une femme qui n’a pas d’enfant… Je sais ce que tu vas me dire : c’est moi qui n’en veux pas… Oui ! mais tu devrais te demander si justement ce n’est pas à cause de cette situation… Fais des efforts…
Dis toi bien qu’à l’âge que j’ai, le temps qui se perd n’est pas gratuit, et c’est davantage d’une vie équilibrée dont j’ai besoin plutôt que de me remorquer au bras d’un guitariste intermittent.
- Pourquoi, tu le laisses tomber ?
- Bah !  ça m’est venu à l’esprit.
- T’aurais tort, le relief de sa compagnie demeure beaucoup plus enrichissant que le mien, et puis, il est plus jeune… Et c’est quoi ces deux gros sacs de voyage ?
- Mes affaires.
- Tu l’as quitté ?
- Il est repartit ce matin à Newcastle.
- Et l’appartement ?
- C’était un meublé au trimestre.
- Alors, tu reviens ?
- Bah oui ! 
M’aurait-il été possible de concevoir, voire uniquement de supposer, ce que fut mon attitude, pire mon raisonnement. Etait-il admissible, qu’au-delà d’un tel désespoir, qu’après cet horrible naufrage - je veux parler de sa désertion, de son absence -, m’était-il autorisé donc que mon âme fut alors emprunte de la plus détestable réaction d’amour propre : la pensée la plus abjecte, la plus contraire à toutes mes faiblesses personnelles.
Non loin d’une minute auparavant, je m’interrogeais encore sur mon incompétence, sur mon inaptitude à conserver les gens que j’aimais. Je me demandais comment je pourrais gérer cet exécrable égoïsme dans le courant de mon existence à venir, ceci  sans jamais plus souffrir de ma vulnérabilité sentimentale.
Je me disais également qu’avec ou sans moi, elle avait certainement le droit d’être heureuse, et, soudain, là où ma joie aurait du envahir notre vie, je cédai lamentablement la place à l’outrancier masculin car, en effet, homme j’étais, homme je suis condamné à rester. L’art du contradictoire absolu, pour ainsi dire ! En tout cas, un art qui me dépasse. Comme si mes anti-corps s’étaient substitués à mon pouvoir de décision. Décision qui d’ailleurs serait jugée prohibée si elle m’avait réellement appartenue.
Oui ! 
ce fut peut-être Dieu qui me commanda ce rejet, ce fut peut-être aussi le cumul de tous ces mauvais scénarios qui m'obligèrent à opter pour le contre-sens. Quoiqu’il en fut, j’aimais cette femme et j’allais la faire partir, la rejeter dis-je, tout simplement, avec à peine de tact et sans plus de commentaire que cela. Pourtant, je ne faisais l’objet d’aucun compte à rebours ; j’avais le temps de mes réflexions .

S’agissait-il vraiment d’accorder un pardon ? Certes, ce n’avait pas été exposé de cette façon ! Aurais-je dû percevoir cet entretien comme une opportunité, comme une seconde ou troisième chance m’étant accordée ?
Non !  je me connaissais doté d’un esprit créatif, mais à ce point là, je m’en étonne encore.
D’une manière et d'un ton des plus laconiques, mes paroles furent d’une entière incohérence, et, le résultat, je le subis toujours…
Ce furent des propos puérils dis-je, mais néanmoins d’une surprenante logique.
- Ecoute, tu as exigé que je t’oublie. À présent, j’y suis arrivé, non sans mal. Il reste inconcevable donc que ma résignation, si durement obtenue, devienne tout autant éphémère que la fiabilité de tes sentiments. Pas tout à fait guéri actuellement, je ne peux me permettre de prendre le risque d’une nouvelle rechute… Tu comprends ?
De plus, comme tu l’as mentionné, tu perds ton temps avec moi…
Je pense donc qu’il serait plus raisonnable de se quitter définitivement, et que l’on démêle nos futurs ainsi chacun de notre côté, tel que tu le désirais la dernière fois que l’on s’est vu, il n'y a pas trois jours. 
Je ne m’explique pas pourquoi, mais sans regret immédiat, je la vis disparaître, et la porte, se refermant derrière elle, fit exactement le bruit sourd d’une partie de vie qui s’achève .
Maintenant, j’allais retrouver une solitude que je détestais, mais dont j’apprendrais davantage à apprécier puisqu’on me l’avais fait connaître, et que Dieu me pardonne...

LAFARGEAS Laurent, 2000.

 
   
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commentaires

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Penning is just about the most crucial expertise regarding infants to read not to mention believe convinced around.
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