Pourtant
Pourtant, je crois avoir su la regarder.
Pourtant, je pense avoir fidèlement pris le temps de la contempler, à
ce quelle en apprécie mon humble admiration.
Pourtant, elle m'a quitté...
Le meilleur de moi fut absent, paraît-il, mais aurais-je dû connaître
celui-ci autant qu 'il me fut décrit après lors de sa désertion ?
Au pied de qu'elle fontaine pure aurait-il fallu que je crie et décrive les
pleurs lui étant voués ?
De tout cela j 'apprends, je m'enseigne du moi dont je ne peux
vraiment identifier ce jour.
Pourtant, c 'est celui pour lequel j 'aurais dû m'appliquer à mieux entendre !
Et je garde, et je hurle louange ; louange à toi, louange à ce nous qui
n 'existe plus.
Femme, vous êtes reine, mais hélas, moi, roi, je ne puis être !
Je repars donc, serin éclamé, vers l'espace et la malaisance de cet
espace, de l'air vide ; cette immensité, le vaste lieu de toutes les
tortures dont je m'apprête à devenir l'unique bourreau.
À présent, dans ce noir présent donc, seul le néant m'aperçoit et me
juge, et là, aucune hésitation ne me sera permise.
Dans cet endroit, dernier acte de vie, où mes écarts ne peuvent
s'exprimer que dangereux.
Ainsi, je me livre à la nuit qui demeure mon pays, et qui se transforme
d'ailleurs en royaume où, que pourrait-il y advenir d'autre que je
m'en sacre le souverain ?
Et des sons, j'avoue n 'attendre alors que celui de mon dernier
soupir ; le soupir de la délivrance.
Pourtant, je me croyais sien, son servant, le lad de toutes ses
montures, son âme aveugle de dévotion.
Pourtant, toujours je souhaite m'endormir sur sa joue !
Vous êtes dame et en abusez de puissance ; de cette nébuleuse image
de puissance qui atterre parfois les moins démunis de force.
Vous êtes dame et, de vous, j'y briserais toutes les plus hautes
murailles de mon empire.
Maintenant, il me reste à imaginer que je vis, et non plus que la vie,
ma vie, me regarde à son tour, et dès demain, de son œil le plus
critique.
Pourtant, je t'avais aimé et te désire encore...
Laurent Lafargeas
E101-2006.