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  • Laurent
  • Réac, atrabilaire, mais non sans expérience le justifiant. Sens de l'humour permanent, mais hélas sens de la réalité qui s'échappe de jour en jour. Par contre, même houleux, j'aime bien les échanges de point de vue. Et sur tous les sujets.
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22 novembre 2006 3 22 /11 /novembre /2006 10:02

 

 

 

 

-Ce jour là… -

 

 

 

 Ça commençait toujours de la même façon. Un long plan fixe sur lui-même, accroché à  la grande aiguille de la pendule géante d’un gratte-ciel, les pieds dans le vide, les bras déchirés par la douleur. Soudain, pile au moment où ses mains lâchaient prise, son réveil sonnait. L’angoisse le clouait alors sur son lit. Peu à peu il émergeait puis, d’un seul coup, s’éjectait de son lit et se ruait littéralement dans la cuisine pour y engloutir un bon litre de café brûlant. C’est seulement à cet instant que son cerveau se remettait à fonctionner à plein régime. Ce jour là, la sonnette de l’entrée retentit une seule fois, il ne s’agissait donc pas du facteur. Derrière la porte se tenait une grande bringue aux cheveux blonds filasses, c’était Gwenn Skram, son agent artistique. Elle tenait dans une main une mallette de cuir noir et de l’autre un gros sac de croissants.

-Alors Yann, prêt pour le grand oral ? lança-t-elle en souriant.

Yann grommela deux trois insanités et prit la direction de la salle de bain.

La nouvelle venue jeta un regard circulaire sur la salle à manger.

-Et bien, on dirait bien qu’on s’soit rejoué la dolce vita ici  hier soir…

 La moquette était jonchée de bouteilles vide et de cendriers pleins. Après avoir engloutit une poignée de cachets post-bringue, Yann ouvrit le robinet d’eau froide et s’immergea en dessous. Réveillé par le choc thermique, il ouvrit grand les yeux. Son regard tomba sur une bouteille de Bordeaux au trois quart pleine posée sur le lavabo. Il vida son contenue dans la douche qui continuait à couler. Le vin rouge s’évacua par le siphon en tournoyant. Cette  vision psychotique lui rappela son mal de crâne. Cette fois c’était sur, il arrêtait de boire.

-Accélère, fit Gwenn en tendant  à son protégé  une pile de vêtements impeccablement pliés.

Yann s’habilla tout en grignotant un croissant. Cinq minutes plus tard, Gwenn hélait un taxi mauve.

-A la M. G. M., passez par le Pont Neuf il n’y aura personne à cette heure-ci, fit Yann en coiffant son borsalino !

Le taxi démarra en trombe, l’équipage se retrouva très vite devant une bâtisse somptueuse frappée aux armes de la Mutuelle Générale Multimédia. Deux hommes vêtus de noir les attendaient. Gwenn, comme à son habitude, oublia de payer le taxi. Cà n’avait d’ailleurs aucune importance, celui-ci était repartit  l’accélérateur à fond, laissant dans l’air une délicate odeur de gomme brûlée. Les deux hommes guidèrent les compères jusqu’à une grande salle. Un homme de haute stature vint les accueillir.

-Bonjour fit le colosse, je me présente, Steven Spitzberg, producteur à la M.G.M.

Les arrivants se présentèrent à leur tour et s’asseyèrent autour d’une grande table ronde. Il y avait là Luc Baston, metteur en scène spécialisé dans les films d’action, Georges Lucarne, responsable d’une grande chaîne de télé et Larry Vist le Directeur de la M.G.M. en personne.

-Et bien mon cher Yann, nous sommes heureux de vous rencontrer. Nous avons étudié votre projet, il à retenu notre attention et nous avons décidé de le produire.

Yann et Gwenn échangèrent un sourire complice.

-Mais tout d’abord, si vous le voulez bien reprit Larry, exposez-nous votre projet de vive voix…

Yann se leva, se racla la gorge et entama son monologue :

-Alors voilà, le film sera un long plan fixe découpé en sept séquences d’une durée d’une dizaine de minutes. L’histoire se déroule sur une journée. Il n’y à pas de dialogue, les acteurs seront des figurants. Le titre : ‘’Ce jour là’’…  La caméra filme une plage, en arrière plan on aperçoit la mer à marée haute. En incrustation sur l’écran apparaît la date du jour et immédiatement en dessous l’heure à chaque début de nouvelle scène. Les scènes sont séparées entre elle par une fondue au noir.

Première séquence, 6 Juin 1944, 6 h. 07 : deux pêcheurs rentrent dans le champs de la caméra en traînant un bateau jusqu’à la mer, ils embarquent et disparaissent à l’horizon.

Deuxième séquence, 6 juin 1944, 9 h.23 : Un homme, torse nu, une serviette sur l’épaule arrive en courant, fait quelques exercices de respiration puis prend un bain et repart tout en s’essuyant.

Troisième séquence, 6 juin 1944, 12 h. 02 : La marée commence à descendre, deux vieilles dames se promènent tout en bavardant, on entend l’écho de leur voix couvert par le bruit du vent, de la mer et des mouettes.

Quatrième séquence, 6 juin 1944, 13 h. 00  : Les deux pêcheurs de la première séquence ramènent leur bateau, la pêche à du être bonne car sur leurs  visages se dessinent des sourires  radieux, l’un d’eux porte une bouteille vide à la main. Ils disparaissent du champs en chantant.

Cinquième séquence, 6 Juin 1944, 14 h. 53  : La mer continue de descendre, une volée de mouette surgit en produisant un vacarme d’enfer et se disputent les restes d’un crabe.

Sixième séquence, 6 juin 1944, 16 h. 30 :  Un petit garçon arrive et se met à pêcher la crevette dans les mares abandonnées par la marée.

Septième et dernière séquence, 6 juin 1944, 18 h.53 : la marée est basse. Deux amoureux se promènent sur la plage, main dans la main, ils traversent le champs de la caméra d’un bout à l’autre. Quand les deux fiancés ont disparus du champs apparaît une dernière fois la date et une phrase de conclusion :  6 juin 1944, 19 h. 23, ce jour là, sur les plages de Bretagne il ne se passa rien de très extraordinaire

Yann reprit son souffle et se rassied. Après un court silence, la petite assemblée se mit à applaudir en chœur. Gwenn tapota amicalement  l’épaule de son protégé. Larry prit la parole.

-Si quelqu’un à quelque chose à ajouter, c’est le moment…

 Steven Spitzberg se leva.

-Et bien voyez-vous mes chers amis, cette histoire me paraît très bonne mais étant donnée le  confortable budget dont nous  disposons pour sa production, je pense qu’il ne serait pas inutile de rajouter quelques ingrédients. Je ne sais pas moi, on pourrait y mettre un peu plus d’action…

Le sourire de Yann se figea.

-Oui, renchérit, Luc Baston, on pourrait y mettre deux trois scènes avec des bateaux, y rajouter une bonne bagarre, pourquoi pas un combat au corps à corps…

-Génial s’emballa Spitzberg, je vois des canons, des hommes qui débarquent, des avions, un héros  filmé en gros plan, pourquoi ne pas engager Jean-Claude Vantard ?

Yann était de venu blême, il faillit se lever, Gwenn lui asséna un magistral coup de coude dans les côtes pour l’en dissuader.

-Formidable, s’exclafa le président Larry, on va faire un malheur avec çà, il faudrait aussi rajouter une ou deux scènes d’amour un peu déshabillées, il nous faudrait aussi un peu de pathos, l’ami du héros qui meurt, le public aime bien çà !

Yann grimaça, se massa les côtes ou commençait à se former un grand bleu suite au coup de Gwenn, puis  se leva d’un bon et quitta la salle en écumant de rage.

-C’est l’émotion, fit Gwenn à l’adresse de l’assistance avant de tenter de rattraper le fuyard.

A la suite d’un sprint  effréné,  Gwenn finit par coincer son protégé dans un couloir.

-Reviens ! , hurla-t’elle, tu ne peut pas me laisser tomber, çà fait des mois que j’essaie d’obtenir ce rendez-vous !

-Jamais, je préférerais crever plutôt que de laisser ces marchands de soupe saborder mon idée !

Gwenn attrapa Yann par le col de sa chemise et lui serra le cou en faisant une rapide rotation de ses poings sur les carotides du malheureux scénariste, réalisant ainsi un étranglement parfait, souvenir de ses années de pratique du judo.

-Tu me dois une année entière d’honoraire !, Hurla-t-elle, çà commence à faire un paquet !

Le visage de Yann s’assombrit. Gwenn, à bout de souffle, trouva tout de même la force de hurler à nouveau  :

-Si on se met d’accord maintenant, il y a un chèque de  cinquante mille euros d’avance à la clé, je ne te laisserai pas repartir sans que tu signe !

La furie desserra légèrement son étreinte et continua un ton en dessous :

-Pour toi, tout ce fric çà ne serait pas du superflu, çà te sortirait de la collection d’emmerdements que tu t’es foutu sur le dos,  n’oublie pas que t’est sur le point de te faire expulser de ton appartement, que ton ex-femme à déclenchée une procédure pour non paiement de sa pension alimentaire, que tu passes la semaine prochaine au tribunal pour état d’ivresse au volant de la voiture dont tu n’arrive pas à payer le crédit ! J’en oublie ?

Yann toussa comme un damné et reprit peu à peu ses esprits, son ange gardien acheva de le convaincre :

-Et puis on ne sait jamais, une fois tes dettes payées et si par bonheur le film marchait tu pourrais enfin de finir de payer le viager de la maison que tu avais promis à ton fils, celui qui est gendarme à Saint Tropez…

Yann souffla longuement.

-D’accord, mais tu me laisse dire deux mots à ces épiciers de malheur avant de signer…

-Accordé…

Les deux compères regagnèrent la salle de conférence ou les attendaient leurs hôtes en grande discussion.

-Nous allons pouvoir conclure, triompha Gwenn, mais d’abord le scénariste voudrait faire un petit speech.

Yann s’empara de la bouteille de champagne qui attendait au frais dans son seau au centre de la grande table des débats et la déboucha d’un geste sûr.

-A notre accord !, s’écria t’il avant d’ingurgiter la moitié de la bouteille cul sec.

Les trois ténors du septième art firent des yeux ronds comme des billes de loto, Gwenn retint sa respiration.

-Voilà, fit Yann tout en remplissant les verres du liquide à bulles, vous ferez le film  que vous voudrez avec mon scénario mais je me réserve le droit d’en changer le titre !

Yann, but une nouvelle rasade.

-Je veux qu’il s’appelle ‘’Le jour le plus long 2’’ !

Il y eut un long silence, puis les trois hommes se mirent à discuter ensemble. Gwenn avait fermé les yeux. Le président Larry reprit la parole :

-Et bien votre requête est accordée, fit celui-ci en levant son verre, portons un toast à notre nouvelle production !

Yann et Gwenn se congratulèrent, puis avalèrent goulûment le reste de la bouteille de champagne. Le contrat fut signé puis, Gwenn se chargea de prendre le chèque promis.  Ensuite, les deux compères saluèrent leurs bienfaiteurs, et les yeux pétillants d’étoiles, sortirent et s’enfoncèrent dans la nuit, une nuit américaine…

Franck DUMONT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

    

 

    

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