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  • Laurent
  • Réac, atrabilaire, mais non sans expérience le justifiant. Sens de l'humour permanent, mais hélas sens de la réalité qui s'échappe de jour en jour. Par contre, même houleux, j'aime bien les échanges de point de vue. Et sur tous les sujets.
  • Réac, atrabilaire, mais non sans expérience le justifiant. Sens de l'humour permanent, mais hélas sens de la réalité qui s'échappe de jour en jour. Par contre, même houleux, j'aime bien les échanges de point de vue. Et sur tous les sujets.

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10 avril 2006 1 10 /04 /avril /2006 13:15
 


Vanité

 
« En France, si l’on ne conversait qu’avec les humbles,
 par atrophie de l’organe, nous perdrions très vite
l’usage de la parole »



Arrive le lundi de pâque !… Pas très bleu, le ciel !…
Je me suis levé à onze heures, j’ai fait une petite sieste, tranquille, et maintenant, j’engage le chrono ; comme prévu…
La porte d’Italie, je l’ai assez rapidement. De toute façon, sur le périph, faut pas trop allumer ! … Après, à cette heure-là, les noctambules du bitume, ils sont plutôt dans l’autre sens…
Dare-dare, va falloir, mais je ne passerai  pas le 140 ; au moins jusqu’à la côte d’Orsay… Au-delà, je pourrai faire mieux !…
On ne peut pas dire qu’il n’y a pas un greffier sur le parcours ; mais ça roule…Résumons : alors, dans une plombe, je rejoins Orléans ; La Ferté, avec un peu d’espoir !…, la sortie Saint-Amand dans deux heures  - j’ai oublié le cumul exact des bornes jusque-là, mais c’est jouable. J’aurai donc tout le troisième temps pour tracer le reste.
Peut-être qu’il y a moins de lignes droites par là-bas, mais ça devrait tout de même glisser !…
Zut ! voilà leurs cristaux liquides qui parlent de misère :
« accident à 6 kms ».
Si c’est au virage de Palaiseau, je ne suis pas dans l’étron !…
Bah oui !…, ça m’a bien l’air d’être là…, je me vois contraint de lever le pied.
Bon ! si on bloque trop, je filerais sur la bande d’urgence. J’ai pas le choix !… Et ça ralentit, et ça ralentit encore…, mais qu’est-ce qu’elles lambinent sur le pavé, toutes ces charrettes,
en pleine nuit ?…On dirait un pèlerinage pour Compostelle…, ; il est vrai que c’est la semaine sainte !…
Allez, go !… ; celui-là, je le passe.
Ça ne bloque  pas vraiment, mais ça ne roule pas non plus. 
Je perds du temps ; va falloir le rattraper !…
Et voilà le travail : un type à peine viandé sur le métal de gauche, et tout le monde se retrouve sur une file.
Certes, ça n’a pas été trop long, mais maintenant, faut que j’emmanche ; il ne s’agit plus de caresser la pédale…, faut se concentrer, faut tenir une cadence, et surtout pas s’attendrir sur la pendule. D’ailleurs, de ce côté-là, ça ne collera jamais. Oh puis, après tout, si je traîne quinze minutes de plus, ça ne sera toujours pas cinq heures, comme il dit. Lui, il sort sa caisse qu’une fois le dimanche ; pas étonnant qu’il a besoin d’autant. Il n’est pas habitué, voilà tout !… Moi, ça fait des années que je taille la route, et pas que du lisse ; enfin, je pratique…, je maîtrise…
Quel obtus, quel acharné ce Marco ; un vrai sourd, un opiniâtre, un allergique à l’enseignement. Faut toujours qu’il ait le dernier mot ; tiens, je l’entends encore :
  - Avec la mienne, plein turbo, j’dois pas bouffer huit litres au cent.
 -  T’entends quoi, par plein turbo ?
 -  Sur autoroute ?…, 170, 180, voire 190…
 -  Déjà, à 180, t’as intérêt à faire gaffe ; maintenant,
 y sèment partout des radars en tires banalisées.
-  Ouais ! je sais bien, mais avec ma caisse, j’peux t’dire qu’tu la vois pas arriver, la vitesse… Quand t’appuies, t’appuies…Et puis, elle tient tellement bien la route…Tiens, pour aller à Clermont, chez mes vieux, de nuit, j’mets à peine cinq heures.
- Ah bah ! si c’est ça qut’appelles  rouler vite…Clermont, j’connais bien !... Au péage, t’as 410,420 ?…, enfin, y’a pas 500 ; j’mets quatre heures, de jour avec la sortie de Paris… La nuit, en trois heures, j’suis arrivé…
-  Alors-là, tu déchausses complètement du crâne…Sur tes concepts oniriques à tendance légendaires, là j’dis pas, mais pour ce qui est de ton côté réfléchi, y’aurait à revoir. De nuit, ça m’arrive, et crois-moi, y t’faut plus de quatre heures ; et s’il flotte pas, encore !
 - Tu veux parier ?
-  Ah !…, tout c’que tu veux…Trois heures c’est pas possible.
Rien qu’au péage de Saint-Arnould, t’as d’jà bouffé une plombe, et, si tu pars d’ici, en trois heures, t’es tout juste qu’à Montluçon…
Des niçoises pareilles, tu m’en as déjà servi, mais là, t’analyses plus, tu dévisses… Et pour gagner Montévidéo à la nage, y t’faut quoi, deux jours ?… Ah, on s’fend bien avec toi…, j’ai déjà tout le Rimmel sur mes pompes !
 -  J’te prouve qui m’faut trois heures d’Paris à Clermont-Ferrand…
-   Bon !…, tiens ! à pâque, j’suis là-bas pour une semaine ; tu trouves une journée ; j’te relève l’défi …On s’donne un temps, disons jt’appelle chez Jacques, à Gambetta, j’te dis l’départ…, et, on verra bien quand t’arriveras…
- C’est ça…, on va faire comme ça…Ça tombe bien, parce que moi aussi, j’ai deux jours après pâque !… Par exemple : ici, à une heure du mat…, à quatre j’suis chez toi.
- Non, chez moi, tu pourras pas y’arriver ; c’est trop à l’écart du centre…J’sais pas, euh…, disons à la première sortie…, après l’péage…Mais, crois-moi, tu vas te plonger dans un  parfait bouillon kafkaïen…
Ah ! voilà Saint-Arnould ; faut ralentir !... Puis - et fallait s’y
attendre -, en pleine nuit, des feux verts, il n’y en a que trois…
Encore une poignée de minutes de perdue.  Bon ! maintenant, il faut plus rigoler ; ça ne va être que de la ligne droite jusqu’à Orléans.
Trois voies, il n’y a personne, 150, 160, 170…, à ce rythme-là, ça suffit largement…
À bien mater ce truc-là, c’est le pari complètement louf ; je dois déjanter du boîtier ! Relever un défi aussi absurde, ça, c’est bien moi, et je ne vois pas l’ombre d’une raison défendable, si ce n’est que ma détestable fierté. Ce que d’ailleurs j’ai l’audace de nommer du respect, ou de la fidélité envers moi-même. Enfin, on ne se refait pas !
La dernière fois – je ne me rappelle plus très bien -, mais je dois les avoir mis les moins de trois heures. À quelque chose près, disons qu’il ne peut en être autrement.
Il n’y a personne ; que des camions !…  Janville…, bon bah, ça avance ; c’est la Beauce, c’est pas les Carpates !…
Le seul avantage des pays plats, c’est bien ces fameuses lignes droites…Le seul avantage donc de ces pays plats, c’est que l’on ne s’y attarde pas ! Et tant mieux, car  je la connais la région avec ces bleds terreux ; ils sont débordants d’une telle animation que ça vous donne la totale envie de rester à Belleville.
Poisse !…, des travaux : « Rétrécissement de la chaussée
à 2000 mètres ». Faut que je mette la gomme ; les feux, là-bas, au loin devant, ça m’a tout l’air d’être un lourd. Il vaudrait peut-être mieux que je le passe avant de me retrouver à son cul pendant vingt minutes...
C’est parti Lucchi, vent du derche : une petite pointe à 180,190 ; il se rapproche, ça va être bon…, je le passe…
Bien entendu, il y en a un autre encore plus loin !
Pour celui-là, ça va être râpé. Bon !…, j’allume au maxi, on verra bien.
Maintenant, faudrait voir à pas insister ; d’ailleurs, il n’est pas seul… Même si je double, je vais tout de même rester coincé !
Sois raisonnable, lâche un peu les cordes ; t’es un virtuose, ne l’oublies pas …Enfin, il n’est pas tout à fait deux heures, mais j’ai du retard !…
Ah ! la nuit, le goudron, il appartient aux bahuts ! Heureusement, ils ne  lanternent pas trop. Apparemment, celui qui est devant, il doit marner à vide, mais, si cela n’ennuie personne, on ne va pas y publier nos bans… C’est reparti… « Saran » : ce n’est pas tout à fait Orléans, mais c’est tout comme. La mélasse, c’est que j’aurai dû être de l’autre côté ; disons que j’ai, au plus, quinze minutes de retard…
Voilà la bifurcation. Je vais devoir mettre un bémol, parce que le virage, avant le pont, il n’a pas été conçu pour les amateurs.
Par deux fois, ici, j’ai failli quitter la piste !
Ah ! mais c ‘est pas vrai !…Qu’est-ce qui fait celui-là ?…Il se met à doubler… ; et il prend son temps en plus !…Je vais lui balancer un appel de phares… Certes, il est engagé, mais tout de même, il faut qu’il comprenne sa connerie, (quoique la mienne ça peut se discuter aussi. À part une poignée de mes réflexions reconnues intelligibles, j’ai aucune chance d’obtenir la meilleur place dans l’éternel).
Ah ! puis, il insiste… Quel cambrousard !… Je rétrograde, et je rétrograde, et c’est encore deux minutes de perdues…
Oh ! mais, il n’y a rien à y faire ; j’ai dit que je serai à Clermont pour quatre heures, je serai à Clermont pour quatre heures…
Soyons pourtant réalistes : ça me paraît fort compromis…
Et puis, il pleut maintenant ?… Bah oui !…, c’est pas le déluge, mais ça prouve bien que les éléments sont contre moi… Ah bon !…, les éléments sont contre moi ?… Eh bien, vous allez voir qu’on me l’a fait pas à moi, le coup des éléments… Réduire les gaz ; il n’en est pas question. Somme toute, un peu de prudence n’aurait rien d’illicite. Enfin, la chignole n’amuse pas le pavé : traction avant, berline 7 CV, 240 au compteur …, il y a de la sécurité là-dedans !…
Si je laisse Vierzon avant trois heures, je serais encore dans les temps.
Je peux toujours y croire, non ?… D’autant qu’il n’y a plus un citoyen devant moi. Alors, on va s’appliquer, chef, et on va s’abstenir d’épier la pendule ; ça pourrait nuire au moral…
Oh bah ! c’est plus l’averse, mais ça reste du crachin…
J’aime bien ce coin de Sologne ! Hélas, la nuit, c’est pas la joie du touriste ; on y voit que dalle. Le jour, à chaque fois que je circule par ici, j’aperçois toujours une buse, stationnée, juchée sur un poteau de clôture. J’admire cet oiseau !…Si près, au bord de l’autoroute, comme ça, on dirait qu’il  compte les véhicules. Reste qu’il  n’en a pas l’air effrayé  ; comme si c’étaient des objets n’ayant rien d’humains…, rien d’animal quoi… Plutôt une belle parade ; une cadence de bizarreries.  À moins que ce ne soit le bruit qui l’intrigue davantage ?…
 « Salbris 16… » Je n’ai pas compris… Si  Salbris est à
16 kilomètres - ce qui reste possible - (tiens, en partant, j’aurai dû programmer mon compteur), bref ! si Salbris est à 16 kilomètres, Vierzon doit être à 35.
Il est deux heures cinquante trois. Là, faut avouer que mes projets deviennent un soupçon contrariés, et puis, devant, c’est les camions, toujours des camions ; une véritable armada !… Une fois de plus, ralentir me semble inévitable. Et ça ne veut pas me céder le terrain… Bon !…, disons que j’aurai une demi-heure de traîne ; faut voir les choses !… En fait, je ne suis semé que de la moitié de mon pari, et, au-delà, Marco ne pourra pas nier que j’en étais pas loin… Après tout, il y avait vraiment un accident à Palaiseau… Maintenant, c’est Vierzon.

Quoi, trois heures douze ?… Et voilà le crachin qui nous en rebalance une couche. Oh !que c’est pénible…, que c’est
pénible !… ; ça aussi je confirmerai…
Eh ! j’ai pas tout paumé… ; les poids lourds ici, il  y en pas mal qui filent sur Toulouse… Ça va tracer un peu mieux sur le reste.
Aussi, généralement, au-delà de Montluçon, c’est beaucoup moins fréquenté.
Vous allez remettre les gaz, Monsieur, lâcher la pendule, l’oublier un peu,

hein !…Histoire de voir le résultat.
Ah ! ce Marco !…, c’est pas le mauvais bougre, mais qu’est-ce qui peut être taquin, compact… ; faut qu’il s’impose quoi !… D’un autre côté, lorsqu’il part à la blague, on s’écarte très rapidement du spleen. Tout à l’heure, je suis sûr qu’il va encore se payer ma tête avec l’une de ses bourdes. En tout cas, sa sœur, Clara, elle est pas mal, cultivée et célibataire en plus… ; ce qui n’est pas la condition la moins appréciable de son ensemble !… Là, faut que je songe à engager quelque chose avant que les rêveries d’un autre cave s’en mêlent.
Cela ne serait être la plus mauvaise de mes idées…Peut-être qu’elle est aussi à Clermont ?… Alors,  si c’est le cas, il s’agirait de ne pas la faire attendre…
Ah ! les femmes …, c’est bien le parfait exemple organique de l’apothéose en matière de subtilité ; surtout lorsqu’elles amplifient à souhait leurs fragilités, et qu’elles opposent le raffinement de leur nature à nos brusqueries masculines. Elles sont parfaitement assurées de nous affaiblir un jour ou l’autre ! Aussi, lorsqu’elles nous attirent, c’est bien, je le pense, que l’on désire profondément se vautrer sur la reconnaissance de nos forces, sans subir l’inconfort d’avouer qu’on aimerait toutefois s’en émanciper. Dans cet ordre d’avis sur la question, et pour en dire plus, le rapport des âges n’a probablement rien à y voir ; nous pouvons assez vite devenir le chérubin, le couvé d’une plus jeune autant, que le papa d’une plus vieille. Finalement, au début, on en sait rien ; c’est le quitte ou double, comme pour la plupart de nos actes.
Bourges…, je rattrape, je rattrape, mais encore une belle série de trente huit tonnes en rang d’oignons…, ah puis, les pleins phares, en face !… Quelle plaie ; tiens, tu les veux mes phares ?…Eh ! qu’est-ce qu’il me fait celui-là, il double, il me voit pas…, mais, mais, il m’a pas vu… ... ...


Vanité (seconde partie)


 


 

 

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commentaires

S
Great article.
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