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  • Laurent
  • Réac, atrabilaire, mais non sans expérience le justifiant. Sens de l'humour permanent, mais hélas sens de la réalité qui s'échappe de jour en jour. Par contre, même houleux, j'aime bien les échanges de point de vue. Et sur tous les sujets.
  • Réac, atrabilaire, mais non sans expérience le justifiant. Sens de l'humour permanent, mais hélas sens de la réalité qui s'échappe de jour en jour. Par contre, même houleux, j'aime bien les échanges de point de vue. Et sur tous les sujets.

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23 mars 2016 3 23 /03 /mars /2016 12:25

Séquanodyonisiens !

 

      Des bois touffus enserraient le chemin dans ses détours les plus capricieux. Mon chien, Argos, ouvrait la route. D'habitude, la ballade ne durait jamais au-delà de quarante-cinq minutes. Pourtant, ce jour là, cela faisait plus d'une heure que nous marchions, on n’en voyait pas le bout. Le parc de la Poudrerie de Sevran, malgré ses presque 150  hectares, ça n'était quand même pas l'Amazonie ! Voilà ce que j'avais lu dans un magazine, concernant ce morceau de l'ancienne forêt de Bondy : des chênes, des hêtres, des châtaigniers, des aulnes, des saules, des étangs, des mares, des ruisseaux. L'article finissait ainsi : ''de bons biotopes pour des espèces remarquables des milieux aquatiques''. Bref, tout un tas de bestioles épatantes, s'ébrouant dans un site enchâssé dans un environnement ultra-urbanisé ; des espaces entiers de forêt originelle ! Qui aurait cru ça ?

      Soudain, un hurlement, déchirant l'espace, me tira de ma rêverie de promeneur presque solitaire ! J'avais déjà entendu ce cri, au parc du Mercantour, on aurait dit un loup. Un loup baguenaudant dans le parc de la poudrerie ? Il fallait que je me calme. Ça n'était pas le cas d'Argos : il avait sentit, il avait entendu. Queue basse, oreilles ouverte comme un radar de la N.S.A., il se mit à pousser de petits jappements aigus. Du plat de la main, je tentai de le rassurer tout en lui donnant du : '''chut, ne t'énerve pas''. Peine perdue, l'angoisse et le froid faisaient trembler mon fidèle quadrupède de tous ses poils. Nous étions début novembre, d'un seul coup d'un seul, l'hiver - contrairement aux autres jours et surtout, contrairement aux années précédentes -  avait couvert les environs d'un noir et gluant manteau glacé.

      Une angoisse sourde commença à m'envahir. Essoufflé, j'avais pensé un instant faire demi-tour puis, je me suis ravisé : nous allions bien finir par arriver à une sortie ! Las, à quelques centaines de mètres, Argos s'arrêta, langue pendante. Il ne voulait plus avancer. Je me suis baissé, jusqu'à ce que mes genoux heurtent le sol glacé. Dans un savant mouvement d'haltérophile, j'ai pris dans mes bras mon compagnon de déroute et je l'ai remonté à hauteur de poitrine.

      Quand tout à coup, là, à quelques dizaines de mètres, les fourrés bruissèrent avec insistance. Ça se rapprochait. Un promeneur, un jogger, un gardien du parc peut-être : j'étais sauvé ! J'allais pouvoir aller me coucher, après ce périple digne d'un explorateur. Je me préparai à lancer, avec un trait d'humour : ''docteur Livingstone je présume ?''. Mais le cœur n'y était pas. Moi et Argos nous avions faim, nous avions froid, nous étions fatigués. En voyant apparaître le ''sauveur'', Argos poussa un grognement réprobateur, mêlé de surprise et de peur.

      Il fallait dire que le quidam en question avait une sacrée allure ! Habillé d'une sorte de sac à patates avec des trous pour la tête et les bras, s'appuyant sur un bâton ferré orné d'une coquille Saint-Jacques, il avait pour tout bagage une besace pleine à craquer et une gourde. Quant à son chapeau, il ressemblait à ces couvre-chefs rapiécés qu'on trouvait sur les épouvantails des campagnes.

    - Par Saint-Christophe, mon frère ! s'esclaffa l'apparition, que faites-vous à cette heure dans ces bois inhospitaliers, voulez-vous vous faire trancher la gorge par les malandrins qui y foisonnent comme la vermine ?

        Une fois remis de ma surprise, je cherchai à comprendre qui était ce type. La réponse semblait évidente : un psychopathe ! Peut-être s'était-il évadé d'un asile de la région ? Heureusement, pour me protéger, il y avait mon chien qui grognait, babines retroussées, afin de découvrir ses canines pointues. J'ai avalé ma salive et je  me suis lancé d'un air bravache :

- Nous faire trancher la gorge, qui ferait ça ?

- Mais par la Sainte-Trinité, de quel lieu sortez-vous donc ? Vous êtes dans la forêt de Bondy ici, pas dans le parc d'un oisif châtelain !

         Il ne fallait pas que je m'énerve, cet énergumène était peut-être armé, je n'avais pas envie de finir dans la rubrique des faits divers! Il fallait que je joue le jeu de cet hurluberlu, pour le mettre en confiance :

- Et vous, mon ami, où vous rendez-vous, la nuit tombante, dans ce chemin boueux et cabossé ?

          Le promeneur se signa et mit un genou en terre :

-  Je me rends en pèlerinage à la chapelle Notre-Dame-des-Anges, à quelques lieues d'ici. Je ne crains rien, j'ai sur moi une ampoule contenant des reliques de Saint-Christophe, le patron des voyageurs ! D'ailleurs, juste à côté de la Sainte- Chapelle où je me rends, trois marchands, attaqués par des brigands, ont étés sauvés par un ange ! De plus, mon bâton est orné d'une coquille de Saint-Jacques-de-Compostelle et, calée dans l'une de mes chausses, je garde une fiole d'eau bénite pour jeter sur les esprits malins ! Mais c'est pour vous que je tremble. Vos vêtements sont si étranges, de quelle lointaine contrée venez-vous donc ?

         Instinctivement, je plongeai mes mains tremblantes dans mes poches, pour ne pas que le voyageur se rende compte de mon appréhension. Malgré mon trouble, les mots dans ma bouche s'ordonnèrent  naturellement :

- Nous sommes du coin, mes vêtements sont typiques de la région. Simplement, la nuit tombante nous à fait perdre tout repère. Mais, vous pouvez peut-être nous aider à retrouver notre chemin ?

- Oui-da ! répliqua le pèlerin, mais avant toutes choses, il faut que je vous rassure, vous m'avez l'air de trembler comme deux lapins pris au collet ! Tenez, mon brave, buvez donc une rasade de ce remontant.

       Il me tendit sa gourde. J'avais soif, j'en engloutis une solide rasade. Je faillis défaillir : on  aurait dit une sorte d'acide, une espèce de breuvage démoniaque !  En me voyant tousser comme un damné, le pèlerin se mit à rire :

- Alors mon frère, on n'apprécie pas le vin des vignes sauvages de Montfaucon ? Certes il est un peu acide, mais j'y ai ajouté une bonne dose de miel et moult herbes odoriférantes, pour lui donner bon goût !

Ma tête se mit à tourner, comme une bille dans un jeu de roulette.

- Eh bien! s'exclama le quidam, vous me semblez d'une bien petite nature. Bon, je vais vous donner de quoi continuer votre route en toute tranquillité. Je me dois de porter secours à tous les pauvres errants. De toutes les manières, vous n'êtes plus loin du bourg maintenant. Votre chien sentira bien les effluves d'un bon rata sortant des maisonnées !

       Le pèlerin tira de sa poche une poignée de matériaux bizarres. Il me tendit le tout  et s'exclama :

- Tenez, c'est de l'amadou, des pierres de silex et un sou de poix ! Vous ne connaissez pas ça ? Nous autres les cheminants, nous en avons toujours sur nous. Tout à l'heure, j'ai entendu le grognement d'un loup. C'était un vieux solitaire, il n'y a rien à craindre de lui. Mais si la meute se rassemble, il vous suffira de frotter les deux pierres l'une contre l'autre, pour enflammer l'amadou que vous mettrez en contact d'une branche morte enduite de poix à une extrémité. Vous aurez entre les mains une torche ! Les loups resteront à l'écart, le temps que vous trouviez un refuge.

          J'acquiesçai d'un hochement de tête emplit de lassitude et j'empochai la poignée que me tendait mon bienfaiteur.

-   En tous les cas, reprit le pèlerin, vous serez tranquille tant que votre torche sera enflammée. De plus, et exceptionnellement, je vous donne ce bâton, celui avec lequel j'ai fait le pèlerinage de Saint-Jacques, la coquille y est solidement fixée, ça vous portera chance. De plus, il est ferré au bout, ça peut vous servir, au cas des brigands tenteraient de vous détrousser. Parbleu, il n'y aura pas toujours un ange pour vous sortir d'affaire !

               J'empoignai le bâton. Ma tête continuait à tourner. Je me mit à bafouiller :

      -   Je ne sais pas comment vous remercier, je...

    - Ne vous inquiétez pas mon frère, priez pour moi et allez brûler un cierge à la chapelle Notre Dame des Anges, le jour de la Saint-Christophe !

         Le voyageur reprit sa route, d'un pas décidé. Le bruit de sa marche s'estompa, peu à peu. Ma vue s'était brouillée. Je m'assieds, m'appuyant le dos contre un arbre. Argos s'allongea à mes pieds. Je m'endormis.

         Le réveil fut brutal ! Quelqu'un me secouait comme un prunier. Par réflexe, je fit mine de me défendre.

    - Holà, ! fit la voix de mon réveilleur, remettez-vous, je suis un gardien du parc !

          Je me frottai les yeux et je revins à la réalité. Il faisait jour et j'avais devant moi un type en uniforme. Je présentai mes excuses :

- Désolé, je me suis assoupi. Je me suis perdu, j'étais fatigué.

- Perdu dans le parc ? s'étonna l'arrivant, vous n'avez pas forcé sur la bouteille plutôt ?

      Je ne savais plus quoi dire. Je me suis relevé, tant bien que mal et j'ai essuyé mes vêtements du plat de la main. Puis, j'ai réveillé Argos qui dormait comme un bienheureux, ronflant comme une escadrille d'hélicoptères de combat.

- Bon, reprit le gardien, vous avez de la chance, j'ai laissé ouverte la porte de l'entrée principale, vous n'aurez qu'à la refermer derrière vous.

- Encore merci, j'ai fait, avant de m'éloigner d'un pas hésitant.

    Ma tête tournait encore un peu. Je cherchai vainement ce qui avait pu m'arriver la nuit précédente, il ne me restait juste que quelques bribes d'une hypothétique apparition. Bientôt, j’aperçus la grille du parc. L'entrée se trouvait à cinq minutes de l'endroit où j'avais passé la nuit ! Je me mis à fouiller nerveusement dans mes poches, pour trouver mon portable : il fallait que je prévienne mon boulot pour le retard. Le temps de rentrer chez moi, de prendre une douche et deux ou trois cafés, je ne serai pas à pied d’œuvre avant le début de l'après midi ! D'une de mes poches, je sortis une espèce de  mélange de cailloux et de substances végétales, le tout lié par une boulette visqueuse et noirâtre. D'un seul coup, le souvenir de la rencontre avec le pèlerin me revint comme un boomerang ! L'histoire de la torche, pour repousser les loups ! Je me mis à respirer un bon coup, il ne fallait pas que je tombe dans la psychose, il fallait que je me repose, que je prenne du recul et peut-être même un arrêt de travail.

      Ma respiration reprit un rythme normal. J'appelai ma boîte, pour mon retard. Là bas, un collègue m'a rassuré : étant donné le volume de travail, je pouvais prendre mon vendredi. Apaisé, je me mis à siffloter et j'appelai Argos pour le caresser. Mon brave toutou courut vers moi, la queue frétillante. Dans sa gueule, il me ramenait un bâton où était accrochée... une coquille Saint-Jacques !

 

Franck Dumont

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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