Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Clif C'est Quoi ?

  • : CLIF (Club Litteraire d'Ile de France)
  • : Club littéraire d'Ile de France est un site de publication internet de littérature francophone. Vous desirez lire des textes inédits ou publier vos propres textes ? Nouvelles fantastiques, romantiques ou fantaisy... Des poesies, des essais ou autres... N'hésitez pas à nous contacter. Vous êtes le bienvenu !
  • Contact

Administrateur

  • Laurent
  • Réac, atrabilaire, mais non sans expérience le justifiant. Sens de l'humour permanent, mais hélas sens de la réalité qui s'échappe de jour en jour. Par contre, même houleux, j'aime bien les échanges de point de vue. Et sur tous les sujets.
  • Réac, atrabilaire, mais non sans expérience le justifiant. Sens de l'humour permanent, mais hélas sens de la réalité qui s'échappe de jour en jour. Par contre, même houleux, j'aime bien les échanges de point de vue. Et sur tous les sujets.

Recherche

Archives

1 septembre 2008 1 01 /09 /septembre /2008 19:17
J'ai reçu sept blessures toutes par devant, je n'en ai reçu qu'une par derrière : mon acte d'accusation !

Le général de brigade François Joseph Westermann (s'adressant au tribunal révolutionnaire qui devait l'envoyer à la guillotine le 5 avril 1794)
Partager cet article
Repost0
1 septembre 2008 1 01 /09 /septembre /2008 15:37

2 Mai1789 – Présentation au roi des députés aux états généraux.- environ 300 membres du clergé, 300 pour la noblesse ; 578 ou 598 pour le Tiers-état. (En ce qui concerne le Tiers, le roi fut présenté, encadré de ses deux frères). Au sein du clergé dominaient les petits curés, parfois manifestement opposés aux grands vicaires. La noblesse, elle aussi se divisait en trois tendances : les grands - conservateurs, pour la plupart -, les libéraux tournés vers les idées britanniques, et les petits, quelquefois davantage liés à leurs faibles avantages qu’aux vraies réformes à envisager, mais ce qui permet d’affirmer que la révolution à venir fut une révolution bourgeoise, c’est que le Tiers-état – représentant du peuple – fut essentiellement composé de bourgeois négociants, médecins, universitaires, officiers municipaux, juristes et avocats, donc déjà forts orateurs quant à l’influence des débats d’élections.

Enfin, cette journée retiendra que le roi, assis et muet, ne traduisait aucune manifeste compassion à l’égard des près de 1200 députés.

 

 

4 Mai1789 – Procession des états généraux à Versailles (Procession du Saint sacrement à l'église Saint-Louis, où chaque ordre était vêtu de convention : le haut clergé de cape rouge ou violette, la noblesse de veste de drap d’or, et le Tiers-état de noir). Cette journée se termina par un sermon de  La Fare, évêque de Nancy.

 

                        Dessin d'Augustin de Saint-Aubin

5 Mai1789 - Ouverture des états généraux par le roi à Versailles,

à 8 heures, dans la salle des Menus-Plaisirs, aménagée par Paris (la reine et la cour étaient aussi présentes). Ce fut alors l’appel de tous les bailliages qui occupa la matinée entière (certaines élections n'étaient pas encore terminées). Là, furent applaudi, outre le ministre Necker, M.Bergasse, le Duc d'Orléans et l’évêque de Nancy (Mirabeau

  fut hué, par contre). Ensuite le roi, à son tour, fut applaudi pendant et au-delà de son discours récompensé par « Vive le roi ».




  Puis, ce fut au tour de Barentin, le garde des sceaux, à prononcer son discours, avant celui de Necker qui se prolongea durant trois heures, avec parfois l’aide d’un autre lecteur, et qui lassa l’assemblée autant que Louis XVI qui déclara clos les débats du jour.

 

 

6 Mai 1789 – Lors de la vérification des pouvoirs des députés, éclate un conflit entre les trois ordres des états généraux. Le Tiers-état refuse de se constituer en chambre particulière, et s’installe dans la chambre générale. Ensuite, il proposera aux membres de la noblesse et du clergé à se joindre à lui. Au sein de la noblesse, pour cette décision de réunion, les votes furent contre à 188 voix opposées à 46. Le clergé fut plus divisé (133 voix contre 114). Ce jour, du côté du Tiers, les plus virulents orateurs furent Mounier et Mirabeau. Quant au roi, il resta indécis. Au soir, chaque ordre demeurait en chambres séparées pour la vérification des pouvoirs.  

La tendance s’orientait alors vers la conformité des états généraux de 1614, mais, assurément, le bon sens ne voulait toujours pas s'associer aux débats, puisque le doublement du Tiers ne servait plus à rien.

 

 

      10 mai 1789 : Publication du premier numéro des Lettres du comte Mirabeau à ses commettants, fondé par 

Mirabeau   (il publiera son dernier numéro le 25 juillet)

 

11 Mai 1789 – La noblesse, se constituant en chambre particulière, refuse le principe du vote par tête (ce qui  n’avait pas été défini lors de la rédaction des lettres du roi du 24 janvier).

Le clergé suspendra alors la vérification des pouvoirs de ses élus.

20 Mai 1789 - Fin des élections des députés parisiens aux états généraux. Ce même jour le clergé fera savoir qu'il renonce à ses privilèges fiscaux, et qu'il reste favorable à l'égalité de tous devant l'impôt (ce qu'également la noblesse déclara deux jours après).

 

23 Mai 1789 –Echec de la première réunion de conciliation des commissaires des trois ordres.

 

 

25.05.1789 – Enfin, les députés parisiens viennent siéger aux états généraux. Echec de la deuxième réunion de conciliation des commissaires des trois ordres.

 

30.05.1789- Echec de  la troisième tentative de conciliation en présence des commissaires nommés par le roi.

 

30.05.1789 – L’abbé Claude Fauchet

  fait publier « De la religion nationale ».

 

 






1.06.1789 – D’Ailly est élu doyen du tiers état.

 

3.06.1789–  Jean Sylvain Bailly remplace d'Ailly

 comme doyen du tiers état.

 

4.06.1789 - Déjà gravement malade, le jeune dauphin Louis Joseph François Xavier meurt à Meudon à l’âge de sept ans. Le roi, en deuil, et profondément altéré, se retire à Marly.

 

                         Le dauphin, Louis Joseph François Xavier


4.06.1789 – Le ministre Necker propose aux trois ordres un projet d’accord que le clergé acceptera.

 

6.06.1789 – La noblesse refuse la proposition de Necker.

 

10.06.1789 - À l’instigation de Sieyès, le tiers état décide de commencer seul la vérification des pouvoirs des trois ordres. Aussi, avec MirabeauBarnaveBaillyCamus, Le Chapelier et Mounier, il invitera le clergé et la noblesse à se joindre à eux. Il s'agissait là davantage d'une sommation !

 

(Le Tiers précisait qu’il était le représentant de la nation, et qu’il procéderait à l’appel de tous les élus).

Au soir, Mirabeau rend une visite à Necker. Hélas, l'entretient n'offrira aucun point positif.

 

 

 

12.06.1789 - Le Tiers-état, seul, commence sa vérification des pouvoirs dans la salle des Menus-Plaisirs.

 

 

 

 

  13.06.1789 – Trois curés se joignent au tiers état : Lecesve, Ballard et Jallet.  

 

                                 L'abbé Grégoire


14.06.1789 – Six autres curés se joignent au Tiers. Parmi eux, l’abbé Henri Grégoire.

 

15.06.1789 – Dix curés supplémentaires gagnent le Tiers-état.

16.06.1789 - À l'assemblée, les Communes se déclarent légalement constituées, en prenant le titre de Représentants du peuple français (encore une proposition de Mirabeau). Siéyès préfère Assemblée nationale. Malouet s'y oppose, et le président Bailly remet le vote au lendemain.

 

 

17.06.1789 – Toujours sur proposition de Sieyès, considérant que le Tiers-état représente 96 % de la nation, celui-ci se déclare « Assemblée Nationale ». Cette nouvelle assemblée autorisera néanmoins que l’impôt traditionnel soit encore perçu dans l’immédiat.

Bref !, la motion de Sieyès sera votée par 491 voix contre 89.

 

18.06.1789 - Au sein de la noblesse, Lally-TollendalAdrien DuportLa FayetteStanislas de Clermont-TonnerreAlexandre de Lameth, Mathieu de Montmorency, La Tour Maubourg, La Rochefoucauld, d'Aiguillon et le duc d'Orléans réclament la réunion à l'Assemblée. Ils rencontrèrent beaucoup d'adversités, et d'Eprémesnil exigera même la dissolution des états généraux.

19.06.1789 - Le clergé vote la réunion à l’Assemblée nationale. Cette réunion fut cependant votée par 149 voix contre 137. Cependant, tant le haut clergé ne souhaitait pas céder, tant la noblesse refusait majoritairement, en faisant même pression sur le roi qui ne semblait à peine convaincu des méthodes fortes que lui inspirait sa famille.

 

19.06.1789 – Necker présente un plan à Louis XVI .

 

20.06.1789 – Sur l’ordre du roi, la salle des Menus-Plaisirs fut fermée aux députés (sous prétexte de travaux). Alors, les élus du Tiers – particulièrement en colère, et sur proposition de Guillotin -   investirent une autre salle proche : celle du jeu de paume. Là, suivis d’une foule de curieux, ils prêtèrent un serment rédigé par Bevière, Target et Sieyès, et lu par Jean Sylvain Bailly

  : « L’Assemblée Nationale, considérant qu’appelée à fixer la constitution du royaume, opérer la régénération de l’ordre public et maintenir les vrais principes de la monarchie, rien ne peut empêcher qu’elle ne continue ses délibérations dans quelque lieu qu’elle soit forcée de s’établir, et qu’enfin partout où ses membres sont réunis, là est l’Assemblée nationale :

«  Arrêté que tous les membres de cette assemblée prêteront, à l’instant, serment solennel de ne jamais se séparer et de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que la constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides, et que ledit serment étant prêté, tous les membres et chacun en particulier confirmeront par leur signature cette résolution inébranlable. » De ce serment, il n’y eu qu’un unique refus.

 

 

21.06.1789 - Le conseil du roi rejete le plan Necker.

22.06.1789 – Les députés, installés dans la nef de l’église Saint-Louis reçoivent 150 membres du clergé et 2 représentants de la noblesse.

 



23.06.1789 – En séance plénière, Louis XVI accepte la liberté de la presse, et invite les privilégiés à reconnaître l’égalité fiscale. Par contre, il s’opposa –  très clairement cette fois-ci – au vote par tête exigé du Tiers, et, d’autorité, invita les trois ordres à délibérer séparément.

Cette injonction fut même assortie d’une menace de dissolution en cas de non soumission.

Historiquement, il reste incontestable que la haute noblesse avait gagné d’influence sur le monarque, jusqu’ici indécis aux débats de la question.

Alors tandis que les grands vicaires quittaient les lieux après le départ du roi, tandis que l’ensemble de la noblesse en fit de même, une majorité demeurant sur place entendit un rappel de la volonté du roi de la bouche de Dreux-Brézé, le maître des cérémonies.

Toujours assis, l’astronome Jean Sylvain Bailly lui répondit qu’une nation assemblée ne pouvait recevoir d’ordres ; et Mirabeau

 d’ajouter « nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes ».

Cette détermination du Tiers, ainsi que l’occupation des cours de Versailles par des centaines de parisiens et autres, indiquaient au roi la fin de son absolutisme.

L’Assemblée lui avait résisté !

 

 

24.06.1789 – La majorité du clergé rejoint le Tiers, et parce que l’archevêque Leclerc de Juigné demeurait hostile à la réunion des trois ordres, la foule de Paris détruit son carrosse.

 

25.06.1789 - 47 nobles, y compris le Duc d'Orléans,  s'assemblent avec le Tiers. Nous compterons également parmi eux, Duport, le duc de Luynes et La Rochefoucauld.

 

 26.06.1789 :Louis XVI fait abolir les lettres de cachet.

 

27.06.1789 – Le roi invite le reste de ses fidèles à joindre l'assemblée, mais d'importants mouvements de troupes s'agitant autour de Versailles et Paris inquiètent beaucoup tout autant les députés que la population. Après nombre manifestations dirigées contre lui, le député archevêque de Paris, Leclerc de Juigné consent à joindre ses collègues du Tiers-état.

 

30.06.1789 - À Paris, les gardes-françaises désobéissent à leur colonel, le duc du Châtelet, et parcours les rues de la ville en criant "nous sommes les soldats de la nation". Onze d'entre-eux furent arrêtés et emprisonnés à l'Abbaye, mais Loustalot, avocat et journaliste, pousse une foule vers la prison, et fait ainsi délivrer les déserteurs. Plus tard, à la demande de l'Assemblée, ils seront graciés par le roi.

 

 

 

0058.jpg (36605 octets)

Le peuple délivre les gardes-françaises enfermées à l'Abbaye Saint-Germain, le 30 juin 1789 - Dessin de Prieur - 

 

 

 

Chronologie de la révolution française (partie3)

 

Partager cet article
Repost0
29 août 2008 5 29 /08 /août /2008 00:00
  Le messidor de Fompeyre 
   
 
 
 
 Musique de Vincent Lafargeas





Le messidor de Fompeyre

 

 

 

 

 

 Le suicide, universellement reconnu acte de couardise, demeure trop souvent la pourtant seule issue contre la générale adversité préconisant son contraire. Sur ce fait donc, de respect, soyons neutres et n’acceptons aucun jugement de la part d’autrui.

 

 

 

 

 

 

 

La foule s'est rapidement entassée sur l'angle ouest de la place.

Un peu plus loin, un peu plus haut, vers le nord, un nombre de potences s'est grossièrement érigé durant un autre temps à peine plus long.

Charles Barbaroux, derrière le carreau d'une fenêtre distancée d'un étage, assistera à toute l'horrible séquence qui va bientôt se dérouler ici. Derrière lui, ses compagnons d'infortune, Buzot et Pétion de Villeneuve, ne cessent de lui rappeler l'imprudence de se faire voir en souhaitant voir. Voir une scène que d'ailleurs tous trois virent cent fois.

Aucun d'eux pourtant n'en demeure insensible !

Malgré ce qu'ils ont vécu depuis plus de quatre années, aucun ne manifeste ni froideur, ni indifférence non plus.

Une improvisée garde nationale perce la foule. Elle fait place au passage du roncin qui tracte la charrette des condamnés : trois hommes et deux femmes...                                       

- À mort ! à mort ! entend-on de toutes parts de la place.

Le cheval est immobilisé, puis, aussitôt, les prisonniers sont menés militari dans l'enceinte de la nouvelle curie municipale.

Barbaroux pense à tort qu'il s'agit là de conduire ces victimes au procès, tout arbitraire qu'il soit, mais il se trompe ; celui-ci a déjà eu lieu.

Aussi, indubitablement présidé de dits pompeux juges de paix.

En réalité, c'est afin de déguiser, travestir les victimes que leurs bourreaux les ont isolés un temps du peuple. Et pour cette fois, dans quel dessein ?… 

Eh bien dans celui de satisfaire un soi-disant artiste peintre, imbu de lui-même, qui obtint là l'autorisation de reproduire certaines icônes mythologiques dites nouvelles, avec une non fausse expression de terreur dans le regard de ses modèles dont la mort s'avance.

Les malheureux et malheureuses ressortent, et ce sont des rires et sarcasmes niais qui fusent de partout. Danaë, Persée, Acrisios et Jason sont ici trivialement exposés à l'inépuisable balourdise du peuple : la plus jeune des deux femmes se voit imposer le rôle de  Diane chasseresse.

À cet effet, attribué d'un arc et d'un carcan, par moment, il lui est exigé de tendre un trait.

L'un des condamnés, probablement un parent de la pauvre fille humiliée, fond en larmes autant d'impuissance notoire que de la crainte de mourir avec elle.

Il n'est pas le seul à traduire un profond désespoir.

Au plus proche de cette légale ignominie, un enfant, conduit ici sans son imminent consentement, ne cesse de tirailler le haut des chausses de son père, et supplie ce dernier d'intervenir en réitérant ses expresses volontés.

-  Je ne veux pas que ces gens meurent !... Papa, je ne veux pas les voir mourir.

Rien de l'ensemble de ces suppliques, pas plus du reste que les prières des futurs exécutés, ne transformèrent les intentions de la majorité ici présente. Entendons celle décidée à ravir l'existence de quelques-uns et quelques-unes par sommaire extension du principe national ; comprenons-là, celle porteuse d'une haine à bon marché.

-  À mort ! à mort les factionnistes !                                  

-  À mort ! à mort les ennemis de la République !                           

 Et larme vint à l'œil dessillé de Charles Barbaroux, larme qui mit le temps de toute une vie à poindre, mais qui coulait à présent le long d'une joue plus que lisse de dégoût ; et larme provenant d'amertume sans source exacte, si ce ne fut celle du mécompte quant à l'espérance en matière d'impartialité humanoïde ; ici en matière de clémence spontanée.

Et disons larme versée sur les infernaux résultats d'une gent immuable en cruauté plus que systématique.

Très faiblement, le carreau de la fenêtre lui renvoie un deviné reflet de lui-même ; également un aussi faible reflet de cette larme qui descend au bas de cette joue. Sa joue, à lui, Charles Jean-Marie Barbaroux, fervent député de la Convention n'ayant pas accordé la moindre grâce au roi, n'ayant pas, il fut un temps rapproché, opté pour la moindre indulgence à l'égard de tous supposés ennemis dits de sa République fanatisante ; sa joue ridée pour l'heure autant de peur qu'épuisée de répugnance de ses propres actes antérieurs. Il n'a, à présent, que répugnance envers ce gargarisme de prétendues vertueuses moralités encensant le peuple - du moins ses  intérêts -, de cette flagornerie alimentant la haine ; cette haine toujours abondamment cautionnée en tous lieux.

Et, si à peine ne distingue-t-il lui-même son visage, plus notoirement il perçoit cependant l'erreur : la faute impardonnable de son errance spirituelle.

Jadis, il crut en l'homme... Sans conteste, telle fut sa faute !

Il voulut, comme tout autant d'autres enflammés du principe d'égalité, faire régner en ce monde ladite vertu, accompagnée de son cortège de mille devoirs. Il y a peu encore, il obéissait, Charles Barbaroux, à la conscience de son frais statut de citoyen. Peut-être là, avait-il aussi cru à l'avènement de l'individualisme ?

Beaucoup d'autour de lui en partageaient cette évidente suprématie !

De cela, beaucoup l'eurent convaincu ; également, ils l'eurent probablement motivé à devenir acteur malgré lui de cette hérésie qu'est la révolution : cette incessante machine à tuer.

Certes, ici le constat d'accointances prohibées demeure indubitable, mais n'est-il pas trop tard pour en faire amende honorable ?

D'ailleurs, de l'honneur, lui en reste-il au regard de ses actes

d’autrefois ?

Bientôt, face à lui, se répétera l'horrible scène, la tragédie de la mort orchestrée : l'unique résultat de cet ouragan déterminé à nuire au nom de la démocratie « absolue », en dehors de celui des fulminantes et perpétuelles accusations.

François Nicolas Buzot introduit une part de ses pensées dans celles qu'il devine de son compagnon. Ce dernier toujours rivé dangereusement au cadre de la fenêtre.

- Les regrets n'ont point force à la méditation que nous commanderait la prudence, lui dit-il d'un ton pour l'heure encore serein.

Pour répondre, Barbaroux se rapprocha du centre de la pièce.

- Humble, je n’abordais que quelques conclusions ; du moins celles   relatives à mon parcours…, son rôle politique.

- Et sur quoi portent-elles ces conclusions ?

- Sur que nous n’avons été que les victimes de l’euphorie engendrée par nos capacités d’orateurs, si ce n’est nos carrières envisagées au service de l’homme…

À présent l’échec donc, puisque cet homme s’émancipe de tout, y          compris de lui-même. S’étant euphorisé à son tour, il ne veut plus joindre l’aptitude à modérer ses nouveaux avantages. Nous le gênons, et ce sont nos têtes qu’il réclame puisqu’elles restent aptes à contrer ses ardeurs d’impatience. Cet homme me fait vomir !...

Et quant à l'investissement de sa personne, de son âme en vue de la réelle équité, le respect des libertés ainsi que celui simple de la vie, l'opération restera vaine en tous points, si ce n'est dangereuse selon les remous d'époque, selon les tendances en vogue. L'affamé se qualifiera toujours d’esclave ou d'opprimé, et, une fois investi du pouvoir de scier les maillons de sa chaîne, il en profitera instinctivement pour les ressouder aux pieds d'un autre. Là, résident les gênes de notre humanité !

Peuple ou bourgeois, le ventre guide l'appétit, et le sang du voisin qui ruisselle offre et engendre trop souvent l'apaisement dudit ventre, de surcroît vide.

Une fois la spoliation du divergeant assouvie - certes, pour un temps -, l'avidité de notre nature carnassière ne saurait tarder à repoindre au-delà. En ce sens, le principe d'une république, celui d'une réelle démocratie même, ne peut qu'élargir la sphère des candidats aux moyens de nuire. Si la structure de l'opprimeur le façonne opprimeur, c'est bien qu'il obéit à une fatalité l'ayant constitué ; une fois de plus, entendons-là, sa nature humanoïde...

Où en serait-il autrement de la part de son prochain, pour l'heure moins favorisé d'abondance ?... Il n'y a de pire loup qui ne soit affamé, dis-je, mais rassasié, l'animal convaincu et fié à sa force, en aucun cas ne céderait sa part d'aisance acquise : ce que pourtant nos meurtres commandent.

La république, en ce sens, demeure l'une des mille utopies de la gestion humaine, cependant qu'elle en dramatise les bases de son autre multitude d'intervenants.

Ici donc, ce constat ne trouve nulle issue !

S'il y a gloire, c'est qu'il y a eu espoir : l'espoir d'un moment, d'une partie de vie peut-être, où chacun s'anime d'un meilleur à venir, où chacun se voit, se croit le porteur des fondements de l'idéale collectivité. Renforcées de leurs vertueuses coutumes, les nations ne sont que des exemples, des expériences, des essais, et même au travers de la diversité de leur culte, de leur morale.

Si les états sont administrés par des brigands, c'est qu'ils dominent une ruche d'aptes à l'identique brigandage. Quand bien même - demain peut-être - aurions nous versé notre sang pour nos idées, le sang d'autres, dis-je, ne cessera de couler. ..

En proposant, en instituant, en défendant la république, nous n'avons fait qu'amplifier les discordes du futur ; de surcroît, probablement à l'échelle universelle. Voyez par cette fenêtre le spectacle de la mort ; celui alimenté du rien, si ce n'est de la vengeance qui suivra tôt ou tard. Admirez la séance de cette mort qui nous guette, nous ex-tout frais avocats du peuple : notre bourreau… Comprenez celui qui nous expédierait en l'au-delà sans plus de formule que pour ces malheureux.

Tu ne m'entends pas Buzot ?..., tu écris ?

-   C'est en cela où mes priorités se résument ce jour. Ton désarroi ne peut t'interdire de ne pas comprendre.

-   Certes, alors comprenez-moi Monsieur Buzot, et cessez de me tutoyer. Vous m'obligeriez au respect que jamais nous n'aurions dû omettre.

-   C'est qu'ils te viendraient des remords supérieurs aux nôtres, à l'approche de ton trépas ?... Tes dires, approuvés pour ma part en plusieurs points, ne t'autorisent pas à m'accuser responsable de tes initiatives : celles que tu regrettes, il me semble ?

-   Non ! loin de là... Je voulais signifier, qu'à présent, en ce bas monde, seule la mort nous serait acceptable, qu'à condition qu'elle y ajoute du respect ; et que justement je m'interroge sur la clé de voûte de ce respect.

Tu écris Buzot ?... Probablement tes mémoires, je suppose, tes regrets peut-être, mais sache que tu écris sur un bureau dont plus tard l'on dira de façon Louis XVI. Ce roi dont la mémoire restera plus profonde que notre notice régicide.

- Parle pour toi Barbaroux..., j'ai risqué l'idée du sursis, pas toi !

- Pardonnez-moi, mes compagnons, l'odeur et la vue du sang, qui incessantes se présentent encore ce jour à cette fenêtre, m'engendrent une once de haine qu'il me faut vous traduire. Haine contre nos supposés semblables, haine contre ce ramassis de cheveux gras couvrant un esprit plus que souterrain ; des demi-âmes s'octroyant le pouvoir de la souffrance sur autrui par, aujourd’hui, la réplique de la misère... Mais considérez, et je vous en prie, qu'il y a deux misères : celle issue d'une franche pauvreté, et celle, plus hurlante, provenant de la médiocrité.

Ces criminels aux cheveux gras, disais-je, à la mine où l'imbécillité s'incruste, ne s'en prennent plus seulement aux hommes ou encore à leurs préceptes estimés néfastes, mais ces pendeurs s'acharnent sur leurs femmes, leurs enfants, et jusqu'à même leurs aïeux. Ainsi, ils étendent l'opprobre, non par sauvegarde de la liberté, comme ils le vocifèrent, mais par l'assouvissement du sang versé dont ils gardent coutume.

Ignorants les réelles vertus, tous s'attribuent cependant une part de la nécessaire tyrannie collectivement augurée.

C'est bien que notre espèce carnivore fut privée de crocs à son origine que jamais elle ne s'épuisera de géhennes, d'hécatombes : insignes expédients de sa voracité. Le temps que nous avons contribué à mettre en place ne s'arrête plus à faire tomber les têtes des émigrés, des brigands de la Vendée, des contre-révolutionnaires et des prêtres réfractaires, il s'étend, à présent, aux conspirateurs - ou convaincus de conspiration -, aux instigateurs, aux accapareurs, affameurs, calomniateurs. Les condamnations se prononcent d'admirable promptitude à l'encontre des conjurés des prisons du Luxembourg, de Bicêtre, de Saint-Lazare ou des Carmes, des complices de ces dits conjurés, desdits ennemis du peuple, ennemis de la révolution - par extension ennemis de la liberté -, par endroits, encore nommés traîtres à la patrie, parfois verbalisés comme tel pour le simple propos de suggestion au retour de la royauté. Également, la guillotine s'aiguise de nous, les fédéralistes - au passage, de nos partisans -, de tous les complices d'ailleurs : complices de sédition, complices de Dumouriez, receleurs ou receleuses de réfractaires, complices et reconnus d'intelligence avec l'émigré, avec le chouan. La mort gagne son règne au-delà de tous les esprits ayant œuvré à l'éviter pourtant. 

Voyons, et je m'en offusque, croyez-le bien, voyons monter à l'échafaud les faux signataires, les fabricants ou distributrices de faux assignats, lesdits fournisseurs infidèles, les émetteurs de propos fanatiques ; aussi avec les réfractaires à la loi du 5 ventôse - rien que cela -, les réfractaires à la circonscription, les reconnus coupables d'avoir ébranlé la fidélité des soldats envers la république.

J'irais même plus loin : nous obtenons notre trépas de concert avec les principes en vigueur, et c'est là où j'abandonnerais l'ensemble des espoirs nous ayant réunis en notre proscription. Entendez, la mort immédiate et sans quasi aucun procès d'analyse : la mort pour avoir provoqué la dissolution de la Convention, par exemple ; celle pour avoir simplement applaudi ou encore une fois non reconnus les crimes de Capet ; plus anodin, celle d'avoir acheté des Louis à prix excessif, et j'oublie les supposées complices, puisque parentes de révoltés contre, paradoxalement, la révolution… 

Et qui sont ceux menant ces tueries que cette révolution exige ?...

Je ne les connais que trop, et pour avoir risqué mon salut à les contenir qu'en de peu d'endroits du reste. Un essaim d'ostentatoires cocardiers, patriotes sans âmes, inaptes d'aucune philosophie, d'aucune pensée, tous complets aliborons sourds, animés d'une effervescence primitive dont la témérité de chacun n'a d'égale que les mouvements de tous : l'orientation de la masse ! Et décrivons la nature de cette masse. Masse de délateurs incultes, soutenus d'inhabiles convoitises, entre autre celle de s'attribuer des fonctions assorties de juteux émoluments.

Alors, à ce dessein, ils sèment l'intrigue, amplifient les troubles, étayent les soupçons et conduisent l'exagération de la calomnie dans le tiers-cœur de la populace ; laquelle alimente sa joie de massacres tout juste organisés. Entendez, tel est devenu le français, et, en dehors de pour mes proches - de leur descendance -, je ne crains plus qu'il ne prolonge, ce français, cette frénésie générique et mathématique, ceci dans les siècles à venir.

Bientôt, vous verrez - et si Dieu ne vous en épargne -, vous verrez dis-je, que tout couperet s'abattra pour avoir écrit, pour être lyonnais ou simplement né à Cholet, pour avoir été aperçu sortant d'une église, ou voire même de refuser profaner une effigie sanctifiée, tout comme une banale icône.

Nous sommes - nous l'avons été du moins - responsables d'une frénésie sans limite ; croyez-moi, sans fin.

Je vous le répète, nos espérances en l'absolue gestion nous ont enivrées au point d'épouser l'idée qu'il nous restait possible de joindre les compétences de Dieu en matière d'ordre général.

Nos antérieurs philosophes ont pourtant bien pris le soin de nous avertir des dangers du babélisme, pour l'heure outrepassant la basique différence de langage !

L'état est une machine, une machination dirais-je, qui jamais n'obtiendra la complète hégémonie sur le bon sens dont nous sommes en droit d'attendre la promulgation.

Je n'affirme pas qu'une nation a besoin d'un roi, je ne dis pas non plus qu'elle aspire à la conforme république, je dis que la liberté est vouée au cantonnement - ceci malgré nos maints efforts. La liberté demeure limitée, encore tout comme les banales icônes dont je citais outragées, en une conviction éternellement inaccessible puisque cadrée en son origine que par une faible minorité de réels réfléchissants.

Au-delà même des améliorations probables, il n'en ressortira non moins et justement les désirs inassouvis du voisin convoitant.

Lorsque tu façonnes une république, Buzot, tu engages mille éléments de controverse entre eux... Ne me voyez pas devenu royaliste, pas plus encombré de cette ex ­obscure pensée, mais je réitère néanmoins cette identique parole qui qualifie notre espèce comme ingérable en tous points. Jamais la dominante paresse d'âme ou paresse d'autre chose n'acceptera la richesse de l'autre, quand bien même ce dernier en serait reconnu méritant. Jamais elle n'appointera de son humble gratitude le concitoyen motivé de l'assortiment des intérêts que lui renvoie - légitimes - ses efforts.

 

Vers le milieu de la nuit, les trois fugitifs, provisoirement cachés au centre du bourg, furent prestement reconduits chez Troquart, le perruquier.

En passant devant les gibets devenus silencieux, Pétion fit remarquer à ses deux compagnons que le vice des bourreaux avait atteint la cruauté d’occire les cinq victimes de l’après-midi par étirement de la corde, et non par la trappe : pratique d’outre-manche singulièrement plus expéditive quant à toutes les manières de faire passer son prochain de vie à trépas.

Disons alors que ces récents cadavres subirent l’une de ces coutumes réservées aux vendeéns.

Buzot, à son tour, eut peine et larme à l’œil.

- Cette famille fut probablement décimée de notre faute.

-  Non, lui répondit un confident de Troquart. Depuis longtemps, ils étaient soupçonnés  contre-révolutionnaires, notamment pour avoir accueilli trois semaines un prêtre réfractaire, récemment exécuté lui aussi. Mais il reste vrai que depuis votre forte soupçonnée présence en Gironde, la tension monte dans les esprits zélés. De cela, votre hôte vous en dira plus.

En effet, à l’écoute de Troquart, les nouvelles n’étaient pas bonnes.

Une commission exécutive partant de Bordeaux venait cette nuit même d’envoyer deux agents à Libourne rejoindre Lagarde, le national du district.  

- Croyez-moi, ce pourri, cautionné des autres, ne tardera pas à faire  parler les habitants sur vos passages, ajoutait Troquart inquiet. Et, ils ratisseront large du Bec d’Ambès à Castillon…

Revenus à l’home qui les avait réfugié depuis des mois, nos trois proscrits s’interrogeaient à présent sur leur destinée quant à ces dernières nouvelles. Pour Buzot, certaines délations en amont ne pouvaient  diriger les jacobins qu’ici : Emilion-la-montagne.

- Depuis trop longtemps y sommes-nous stationnés, précisait-il.

Pétion, plus confiant mais non pour autant moins dramatique dans le terme, assurait que la commission s’orienterait fatalement sur la famille Guadet.

- Sont-ils avertis ? questionna-t-il.

Troquart, mal aisé à répondre, et, semble-t-il dépité par l’avance des évènements qu’il annonçait, ne put que s’en muer tremblant.

- Reste clair que ce sera la première maison visitée, et celle des Bouquey ne tardera à suivre… Là, nombre domestiques n’aurait la faculté de ne pas s’effondrer en terreurs et en larmes aux menaces que ces déterminés gageront en langue.

Du côté de Charles Barbaroux, la situation parle d’elle-même.

Il n’en ajouta mot devant cette masse d’affolés à juste titre - disons clairement, des hommes risquant leur vie -, mais devint plus loquace une fois revenu à l’idem intimité d’avec ces deux complices.

- C’est dans l’âme et dans la sauvegarde de la Montagne de confirmer sa dominance (celle-ci tangente) en nous détruisant par l’hystérie meurtrière dont elle s’est assortie. Voyons qu’elle ne peut plus reculer. Il lui faut nos têtes. Au-delà celles d’autres adversaires pour l’heure moins confirmés, telles celles déjà tombées d’Hébert, Danton, Séchelles et autres. Notre existence clandestine demeure  l’insolence suprême à toutes leurs manœuvres ; l’hypothèse contraire aux garanties dont ils peinent à fournir l’euphorie que le pays exige. Voyez, au travers nous (la Gironde anéantie), la folie se cautionner davantage… Pétion, Buzot et les autres absents, ne vous percevez-vous donc pas comme les représentants de l’antidote de cette folie ?

Sur ces dernières paroles, François Buzot ne put que raisonner son compagnon en l’invitant serein à la défaite, non sans y joindre une dose de pathétisme.

- Nous reste-t-il, Charles, qu’à nous commander notre propre mort au-dessus du désir qui semble joindre en effet celui de nos ennemis. Vois ces gens, nos poursuivants, déterminés à l’obtenir, et dans l’urgence.

- Je m’incline à cela, François ; je m’incline à cela…Mais quand ?

Jérôme Pétion apporte ici une évidence :

- Messieurs, il s’agit ici d’un triste et réel constat… Traqués comme nous le sommes, il nous est convenablement impossible d’offrir la parade à nos adversaires. .. Je veux dire pas celle à les réjouir d’une tuerie assortie d’un massacre en forme. Tu l’évoquais, Barbaroux, nos antagonistes sentent la fiente. Alors, pour une fois, et peut-être pour l’ultime fois, restons nobles ; épargnons nos hôtes de l’hécatombe qui ne tarderait pas à les frapper derrière nous.

- Que veux-tu dire ?

- Charles, j’entends-là qu’il nous faudrait nous accorder la mort un peu plus loin… Nos cadavres, ici, ne pourraient que  conduire Troquart et ses proches à l’échafaud.

 

Les jours qui suivirent furent encombrés de cette idée de suicide autant que de celle de trouver une issue plus salutaire : celle de gagner la Suisse, peut-être. La terreur ancrée aux âmes se mêlait aux organisations de fuite, mais le plus exécrable désarroi dominait, et rien de bien étayé ne figurait encore au programme le soir du 16 juin. Pourtant, au-delà, tout devait se précipiter. La petite ville d’Emilion, nid de girondins, connue l’une de ses nuits historiquement des plus mouvementées.

Sallès, les Guadet, les Bouquey furent arrêtés, le peigne fin ne put s’opérer, mais d’énormes chiens s’essoufflèrent en pourchas orienté en vain du côté des carrières avoisinantes. 

Au matin, tandis qu’Elie Guadet et sa famille se dirigeaient en charrette vers la mort, François Buzot, à présent déterminé à se l’administrer lui-même cette mort, écrivit à sa femme en conservant néanmoins un faible espoir que la missive lui parvienne un jour.

 « Ma chère amie, je laisse entre les mains d'un homme qui m’a rendu les plus grands services, ce dernier souvenir d’un mari qui t'aime.

«  Il faut fuir un asile sûr, honnête, pour courir de nouveaux dangers. Une catastrophe terrible nous enlève notre dernière espérance. Je ne me dissimule aucun des dangers présents qui nous menacent, mais mon courage me reste... Mais ma chère amie, le temps presse, il faut partir. Je te recommande surtout de récompenser autant qu'il sera en toi le généreux qui te remettra cette lettre ; il te racontera tous nos malheurs. Adieu, je t’attends au séjour des justes.

Ce n’est pas que le perruquier Troquart amoindrissait son hospitalité, mais en effet les dangers apparaissaient trop proches pour qu’il ne hâte, en partie de son œuvre donc, l’imminent départ de ces trois hommes déjà théoriquement morts.

La nuit, acceptée donc comme la moins révélatrice de complicité, fut choisie pour l’exil à grands pas.  Grands pas que l’embonpoint de Charles avait peine à maintenir à la comparaison des autres proscrits.

Et la nuit fut longue en efforts physiques !...  Hélas, qu’une demi-lieue de parcourue avant la dernière halte… Ici, un outrageusement significatif roulement de tambour à l’approche mit un terme quasi absolu aux espoirs de Barbaroux. Tandis qu’à l’écoute de ce vacarme ses deux complices s’évacuèrent à l’abri des bois proches, notre gros Charles, s’estimant non assez leste, ou encore probablement désirant confirmer l’inexistence ici de  ses compagnons fuyants,  sauva ces derniers par une démonstration attirant la trouvaille sur lui seul. Alors il fourni son pistolet à la hâte avant de s’en administrer une salve dans le chef ;  hélas, salve n’ayant qu’altérée, certes non sans profusion de sang, que l’oreille et la mâchoire du député agonisant, mais non mourant.

Maintenant, son calvaire ne porte plus de nom !

Si l’Histoire nous tait les méthodes qui furent employées pour lui faire dire qui il était, tout juste pansé à l’occiput qu’il s’était détruit lui même, il vécut six jours d’enfer avant d’être conduit sous le couperet permanent de Bordeaux ; celui-là même qui trancha toute la famille Guadet quelques jours auparavant.

La France, disons ce brouillon de nouvelle France, venait de s’émanciper de la mort systématique non pas d’un grand homme, mais d’un notoire esprit de tempérance quant à l’orientation de nos avenirs.

Depuis les têtes tombées de  Gorsas tout d’abord, le 16 vendémiaire de l’an I, puis Gensonné, Vergniaud, Boyer-Fonfrède, Brissot, Antiboul, Carra, Duchastel, Fauchet, Gardien, Lacaze, Mainvielle, Sillery, Lesterp-Beauvais, Boilleau, Ducos, Valazé, Duprat, Lasource, Lauze de Perret, Viger et Lehardy, depuis ce bain de sang du 10 brumaire, la hâte à obtenir l’anéantissement de l’idée de base, s’opposant aux principes vigoureusement en vogue meurtrière plus que politiquement correcte, cet anéantissement, dis-je, se dispensait haut la main d’un juste procès d’où le concerné aurait pu faire valoir ses vertus ainsi que le direct intérêt de la nation à lui épargner la vie.

Nous avions alors pénétré l’ère de la suprématie de l’avantage public !... Un panier à crabes où l’économie des réels efforts commence à s’abriter derrière un pavillon tricolore ; un fatras de bourgeoisie dominante de la caution semi volontaire d’un peuple toujours affamé ; de surcroît toujours face à l’option de la débrouille.

François Buzot, quant à lui, depuis l’exécution de Madame Roland, ce n’était plus le même homme ; la nostalgie l’emportait sur la haine politique. Pour Pétion, la mort, de quelle forme puisse-t-elle prendre, apparaissait quasi immédiate. Toutes les frontières demeuraient trop éloignées, et sans carte…, je vous ne vous en exposerais pas davantage.

 

Nous voici arrivé au guéret de Fompeyre.

En songe, Buzot revoit Pétion paradant les avenues de Paris à la droite de Robespierre. Il ne s’interroge plus de rien ; du reste, tous deux sont épuisés. Le silence  de la campagne joint du pathétique à la décision dont ils ont du mal à se concerter pour le comment.

- Nous attendrons la nuit, semble ordonner Pétion.

François n’a plus vraiment conscience des heures qui suivront.

Il vérifie l’amorce de son pistolet des manufactures de Versailles, sans conviction mais sans non plus d’horizon autre que celui envisagé de concert depuis maintenant plusieurs jours.

Un périmètre inévitable diminuant sur eux, certainement de minute en minute, rapproche l’échéance de cette volonté de ne pas laisser ces brigands - les violeurs de réelle démocratie - à se glorifier de deux arrestations supplémentaires.

La nuit tombe, et avec elle les dernières volontés de Manon (Madame Roland) dans ses lettres traduisant la confiance qu’elle avait en lui - celle-ci toute relative à sa détermination d’antan à ne pas fléchir quant à la sauvegarde de la liberté.

Eh ! il s'agit bien de savoir si une femme vivra ou non après toi ! Il est question de conserver ton existence et de la rendre utile à notre patrie ; le reste viendra après !...

Plus encore, les mots de la condamnée lui reviennent  en vindicte supposée à sa décision future :

… mes cruelles angoisses ont été renouvelées par le décret d’accusation qui te concerne ; ils devaient bien cette atrocité à ton courage !

Et, contraire aux derniers arguments de Charles qui se dirigent pour l’heure vers son ultime supplice.

…Tant qu’un républicain respire, qu’il a sa liberté, qu’il garde son énergie, il doit, il peut être utile.

L’espérance en d’ostentatoires retours à la raison ne paraissait plus poindre en ce lieu où la mort s’affirmait venante.

Mais dans l’âme de Buzot surgissaient encore les phrases de Manon, cette femme d’un extrême courage dont nul ne peut égaler.

Quant à moi, je saurai attendre le retour du règne de la justice, ou subir les derniers excès de la tyrannie, de manière à ce que mon exemple ne soit pas non plus inutile.

Aussi de confiance extrême en lui, François, elle ajoutait :

… Mon ami ! c’est en sauvant ton pays que tu peux faire mon salut, et je ne voudrais pas de celui-ci aux dépens de l’autre ; mais j’expirerai satisfaite en te sachant servir efficacement ta patrie. Mort, tourments, douleur, ne sont rien pour moi, je puis tout défier. Va, je vivrai jusqu’à ma dernière heure sans perdre un seul instant dans le trouble d’indignes agitations…

Et ce n’est pas hélas le courage qui abandonne ce jour François Buzot, c’est davantage l’évidence d’une perte de raisonnement, de dimensions universelles, qui le conduira à trahir celle dont je me permets de nommer sa bien aimée, et qui se trahissait d’égal sentiment par :

…Les autres admirent mon courage, mais ils ne connaissent pas mes jouissances ; toi, qui dois les sentir, conserve-leur tout leur charme par la constance de ton courage…

Et autres termes tout autant révélateurs d’un amour que nous ne saurions traduire avec l’exactitude de convenance :

...  Puissent ces détails porter quelque baume dans ton cœur ! Va! nous ne pouvons cesser d'être réciproquement dignes des sentiments que nous nous sommes inspirés ; on n'est point malheureux avec cela. Adieu, mon ami ; mon bien-aimé, adieu !...

Voici d’où se trouvait l’âme de François Buzot, ce 18 juin 1794, dans ce tertre à peine nommable.

Pétion gardait en lui la certitude de s’être trompé sur toute la ligne, et l’arme qu’il tenait en main ne lui était perçue que comme le définitif salut.

Notez que, si même le trépas orchestré demeure naturel en soit, il reste cependant difficile à tout commun des mortels d’en accepter l’urgence ; de surcroît lorsqu’il s’agit de la sienne.

La nuit tombe, et avec elle le prélude aux fins mésestimées  se confirmant en non déviantes, et s’opposant à toutes les préséances.

Et c’est Buzot qui parle :

- Si le monde avait l’intérêt de nous entendre, qu’il soit friand de nos informations, de nos injonctions peut-être, qu’il en demeure apte – ceci à le supposer –,  grand Dieu, qu’il ne se limite pas, nous concernant,  aux diffamants commentaires que nos détracteurs aimeraient toujours écouter dans les décennies à venir.

Et Pétion, de répondre en cherchant son coin du monde pour  finir ses relations d’avec celui-ci :

- Pour l’heure, François, je suis ton seul auditoire. Peu de chose puisque partant avec toi… J’aurai probablement autant de compassions à  rendre aux tiennes - légitimes de surcroît -,  mais tout épilogue nous concernant ne nous appartient plus, et mon désarroi, à l’égal du tien, ne désire plus d’échange.

 

Ce fut une poignée de jours plus tard, le 8 messidor de l’an II, que des citoyens - avant d’autres entiers jacobins - découvrirent, à moitié dévorés par les loups, les entrailles sorties des ventres et consommés encore des vers, les corps de Jérôme Pétion de Villeneuve et de François Nicolas Léonard Buzot.

Deux cadavres en totale et horrible état de putréfaction, mais cependant très vite identifiés de leurs poursuivants. Deux hommes que l’Histoire dira Girondins, n’ayant jamais été les ascendants d’une société nouvelle, ni même les principaux acteurs de la mutation d’entre les deux mondes : l’ancien et le prochain duquel ils entretinrent tant d’espoirs. Deux figures sacrifiées à l’inutile, puisque aujourd’hui rien n’a encore manifestement changé, si ce n’est la virtuelle participation à nos destins par les urnes. Ces dernières muant les capacités de nuire du port de la couronne en celles de s’octroyer l’identique privilège par oligarchie instituée, et diluant à souhait toutes directes responsabilités.

Comprenons ici, qu’en exécutant un monarque, nous multiplions les despotes !

 

Laurent Lafargeas, 2006.

ed.18.05.2010.

 

 

 .

 

                     




 

Partager cet article
Repost0
28 août 2008 4 28 /08 /août /2008 11:00






Didier Roth.                             

 
Partager cet article
Repost0
27 août 2008 3 27 /08 /août /2008 16:46

Tu ne gâches pas ta vie, tu ne la gaspilles pas non plus ; tu l’écoules.

Tu  suis son lit, comme tu suivrais le lit d’une rivière dont jamais tu ne maîtriserais les courants.

Parfois, et te croyant réussir l’importance, tu tentes vaincre certaines turbulences.

À grandes peines, tu remontes les torrents, mais du vain,

jamais tu ne l’entrevois ; encore moins, t’en convaincs.

Laurent Lafargeas.
164-1991.

Partager cet article
Repost0
26 août 2008 2 26 /08 /août /2008 08:51

De l’avidité d’autrui, inlassable prédateur des temps modernes.

 

 

- Nul autre que la faim pousse la hyène à flatter le lion.

 

Le ventre guide l’appétit, et le sang du voisin qui ruisselle offre et engendre trop souvent l’apaisement dudit ventre, de surcroît vide.

(Le messidor de Fompeyre)

 

 

- Abondance fait naître appétence.

 

 

 

L’affamé se qualifiera toujours d’esclave ou d’opprimé, et, une fois investi du pouvoir de scier les maillons de sa chaîne, cet esclave, il en profitera instinctivement pour les ressouder aux pieds d’un autre.

(Le messidor de Fompeyre)

 

 

- Convoitise et accalmie ne peuvent s’épouser.

 

Il y a deux misères : celle issue d'une franche pauvreté, et celle, plus hurlante, provenant de la médiocrité.

(Le messidor de Fompeyre)

 

 

Profiter d’un dévoué, n’est que résultat temporaire.

 

Dans ce bas monde, la dominante c’est le profit, et, au service de celui-ci, s’emploient sans répit le mensonge, l’espièglerie et parfois même la cruauté. Quant aux règles établies ayant dessein de  garantir l’équité, elles n’engendrent que fausses probités éternellement avides des richesses d’un autre. Entendons que ces règles ne sont utilisées qu’en qualité de couvertures, voire d’édredons à nombre de congénères tout autant prédateurs que le seraient nos opposés.

 

(Cumulus)

 

La convoitise reste l’un des propres de l’homme, au même titre que son rire idiot, sa peur de l’inconnu, son complexe d’infériorité, et ses manières de supériorité. 

(L’envers)

 

 

Il y a des esprits riches en matières évolutives, porteurs de bon sens, voire de félicité ou tout simplement de rémission générale, évidente et indispensable à l’apaisement ; il y a des esprits comme cela qui hélas ne trouvent jamais de réception oublieuse de l’intérêt. 

                                                                                      (Le prince noir)

 

Le monde se compose essentiellement que de gens qui veulent remplacer les autres.

                                                                               (Le prince noir)

 Laurent Lafargeas

Proverbes et citations. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
21 août 2008 4 21 /08 /août /2008 09:15
Après cette marche, longtemps marchée,
à sans cesse question j'ai posé fâché,
qui s'en presse me répond :
" vas -y, marche vers ignorer ..."
Que cette larme du fond du coeur,
sèche ma peine intérieure,
que l'envie d'aimer la vie
m'inspire le jour quand dort la nuit...
Alors, caresse-moi de ta venue,
prince d'Eden innatendu,
et fleuri en l'absolu
ce champ de pierres perdues...


Karima El-Meherzi.
Partager cet article
Repost0
18 août 2008 1 18 /08 /août /2008 12:24

 

 

 

Du pragmatisme ; notre outil le plus empoussiéré.


Toute prompte et trop hâtive réflexion, tant stupide soit-elle, conserve néanmoins l’avantage de rapidement laisser la place à une autre.


- Le pèlerin n’affame pas son guide.

- Tout migrateur a besoin d’ailes.

Nos actes les plus irréfléchis ne sont pas toujours les moins
importants ; les moins conséquents.
Alors, admettons ici que le danger reste permanent.
                                                            (Pour une fleur)


- Réussite n’est pas aînée de sa pareille.

- À confesse, pas d’adresses.

- Réaliser une œuvre sans patience, c’est mener en désert une caravane sans eau.

L’unique différence entre le malheur et la félicité, c’est que jamais tous deux ne se présentent le même jour, et, lorsque rarement cela se produit, c’est le vide et nous n’avons plus rien à dire.
                                                                                         (La réussite)

- Selon l’espace accordé, les moyens employés.

- À  miracle aucune science.

- Une bonne idée sans exemple, c’est comme une couronne sans roi.
                                                                                    (Mise en bière)

- L’expérience ne se bâtie que d’échecs.

- On ne traverse pas le désert en convoyant du sable.

Tout comme la nuisance, l’évolution ne peut s’encombrer de scrupules.

Parfois, un homme seul peut réfléchir ; un peuple, jamais !

 

 

Même au parfait, le défaut s’invite.

 

Certes, le radicalisme est une forme moderne de l’obscurantisme, mais  il est aussi une muraille contre le «  n’importe quoi », encore plus tenace.

 

Plantée au cœur de l’océan même, l’épée n’y laisse aucun trou.

 



Laurent Lafargeas.
Proverbes et citations

 

 

 

Partager cet article
Repost0
13 août 2008 3 13 /08 /août /2008 12:07


Jean-Luc
Partager cet article
Repost0
10 août 2008 7 10 /08 /août /2008 11:07
Alcool





Qu’il n’y ait que l’alcool comme première évasion,
ce ne pourrait être l’unique solution,
certes, mais notre univers restant plus que gris,
quoi de moins nous éviterait, de nous-même, un autre mépris.


Laurent Lafargeas
E162-2007
Partager cet article
Repost0